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— En attendant, reprit la nonne, veuillez entrer au parloir ; poussez la porte qui est à votre droite.

Évidemment Ascot avait bien jugé Dolbret, ou mieux, la nature humaine tout entière ; du reste, les événements lui avaient donné raison. Les trains ayant été contremandés, Dolbret avait une grande journée à passer à Durban et il ne pouvait mieux l’employer qu’en allant retrouver sa fiancée. Il avait donc quitté ses amis en leur donnant rendez-vous pour le soir.

Dans le silence du cloître, on entendait une vague mélopée. C’était l’heure du repas, il était probablement précédé de prières murmurées en chœur par les religieuses. Sur le mur, un christ, tordu sur sa croix de bois grossier, soulignait plutôt qu’il n’atténuait la nudité de la pièce. Ce décor rudimentaire convenait admirablement à l’état d’âme de Pierre Dolbret : l’homme vraiment épris n’a pas de sentiments compliqués, c’est un ascète qui vit de racines et voit le ciel dans ses rêves ; tout ce qui l’entoure lui rappelle l’objet aimé. Son imagination lui faisait voir Berthe sous la couleur dont ses yeux étaient remplis en ce moment ; pour lui, c’était la plus belle et la plus pure des saintes Thérèses du monastère.

Des pas retentirent dans la pièce voisine ; un instant après, Berthe était devant lui, rougissante, mais avec un sourire sur les lèvres. Elle restait immobile dans la porte ouverte ; vêtue d’une longue robe noire, elle s’encadrait merveilleusement dans le chambranle peint en blanc. Une séparation d’un jour, la vie solitaire déjà entrée en son âme au point de changer un peu l’ex-