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trie du chevaleresque don Quichotte ; pointant sa lèvre mince démentait le type espagnol ; il y avait de l’hindou dans ce visage et peut-être bien d’autres caractéristiques, mais elles y étaient tellement fondues qu’elles auraient rendu rêveur un Bertillon, peut-être le grand Lavater lui-même. Malgré son teint olivâtre, ses yeux noirs, ses moustaches fines, son impériale en pointe et son chapeau crânement campé sur l’oreille, il n’était ni Gascon, ni Espagnol ni même Portugais, mais tout simplement Anglo-Saxon. C’est du moins ce qu’avait conclu le douanier qui lui avait demandé son nom et sa profession et à qui il avait répondu :

— Aram Busbay, accordeur de pianos.

Puis il avait ouvert devant l’employé de sa Majesté le roi Carlos un petit sac de voyage, lequel ne paraissait contenir que les inoffensifs objets suivants : un accordoir, une corde en acier roulée sur elle-même, un canif, une gomme élastique, une brosse à dents et un peigne.

Une fois subi l’examen de la douane, Aram Busbay était sortit de la gare et s’était dirigé vers la ville haute. De temps en temps il s’arrêtait pour regarder une flèche où le sommet d’une tour qu’il avait pris pour amer, comme disent les marins. Parfois, au coin d’une rue, au milieu de la foule des piétons ou dans l’encombrement des camions et des voitures de place, un Cafre, traînant sa rickshaw — véhicule qui, en Afrique-sud, remplace le sapin de Paris et le hansom de Londres —, l’interpellait d’un guttural « Kommiça ». Mais il n’en était pas touché et il continuait son chemin tranquillement, posément, comme un homme dont la conscience est en repos ; on aurait dit un touriste, ou un employé en congé.