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geait pas ; à la fin, n’y pouvant plus tenir, il dit à Stenson :

— Veuillez m’excuser, je reçois une lettre de Miss Mortimer, j’ai hâte de la lire.

— Très bien, mon cher, et surveillez bien vos allées et vos venues, vous devez être espionné de tous côtés ; voyez comme l’évêque vous regarde.

— N’ayez crainte. Achevez votre lunch et venez me trouver, j’aurai probablement du nouveau à vous donner.

Pierre se leva de table et s’apprêtait à prendre le chemin de sa cabine quand on vint l’avertir que le capitaine le demandait. « Diable, pensa-t-il, j’aurais bien voulu lire cette lettre, pourtant. »

Il se hâta de se rendre à l’ordre du capitaine afin de pouvoir revenir plus vite. Il s’agissait de donner des soins à deux passagers de troisième classe qui venaient de se battre à coups de couteau et au revolver et de se faire plusieurs blessures graves. L’état des malheureux était critique et ce ne serait pas avant deux ou trois heures, après avoir pansé leurs blessures, qu’il pourrait se sauver et savourer, dans le silence et l’ombre, cette chose délicieuse qu’est une lettre écrite par la femme aimée. Il en prit son parti ; peut-être y avait-il dans sa résignation un peu de ce plaisir qu’on a parfois à reculer un bonheur qui s’offre.

À onze heures du soir, Dolbret n’avait pu encore trouver une minute pour lire la lettre de Berthe. En face de la souffrance, il avait d’ailleurs mis de côté ses plus chers intérêts et il était resté au poste.

Le bal battait maintenant son plein, le navire semblait une immense gondole de carnaval : sur