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UTOPIE DE THOMAS MORUS

ils l’achètent, sans lui donner le temps de multiplier, le nombre en diminuera insensiblement, et le pays finira par tomber dans une horrible disette. Ainsi, ce qui devait faire la richesse de votre île, en fera la misère, par l’avarice d’une poignée de misérables.

« Le malaise général oblige tout le monde à restreindre sa dépense et son domestique. Et ceux qu’on met à la porte, où vont-ils ? mendier ou voler, s’ils en ont le cœur.

« À ces causes de misère vient se joindre le luxe et ses folles dépenses. Valets, ouvriers, paysans, toutes les classes de la société déploient un luxe inouï de vêtements et de nourriture. Parlerai-je des lieux de prostitution, des honteux repaires d’ivrognerie et de débauche, de ces infâmes tripots, de tous ces jeux, cartes, dés, paume, palet, qui engloutissent l’argent de leurs habitués et les conduisent droit au vol pour réparer leurs pertes ?

« Arrachez de votre île ces pestes publiques, ces germes de crime et de misère. Décrétez que vos nobles démolisseurs reconstruiront