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INTRODUCTION.

de la plupart des systèmes de nos réformateurs modernes.

Ceux-ci brisent d’un seul coup les nationalités. La nationalité d’un peuple n’est pas, à leurs yeux, la ceinture de sa force et de son indépendance, mais la chaîne qui le retient esclave et affaibli. Ils font des plans immédiats pour le genre humain ; ils prennent tous les peuples à la fois, sans distinction d’âge ni de mœurs ; puis les jettent pêle-mêle dans le moule où doit se fondre la grande famille homogène, une, indissoluble.

Thomas Morus ne procède pas ainsi. Son livre n’est pas précisément le code du genre humain, ni le programme de la paix universelle. C’est plutôt une formule d’organisation intérieure et de politique extérieure, à l’usage d’une nation distincte qui, pour un Anglais, ne pouvait être que l’Angleterre. Cette nation, au point de vue de l’auteur, a sur les pays voisins la supériorité d’intelligence, de richesse, d’activité et d’influence. Peu à peu elle les absorbe dans sa propre substance ; elle les assimile à sa vie sociale par le commerce, la colonisation, la conquête. Cette assimilation progressive de plusieurs peuples en un seul n’est-elle pas la marche naturelle des choses ? Du moins,