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UTOPIE DE THOMAS MORUS

Jeune encore, il abandonna son patrimoine à ses frères ; et dévoré de la passion de courir le monde, il s’attacha à la personne et à la fortune d’Améric Vespuce. Il n’a pas quitté d’un instant ce grand navigateur, pendant les trois derniers des quatre voyages dont on lit partout aujourd’hui la relation. Mais il ne revint pas en Europe avec lui. Améric, cédant à ses vives instances, lui accorda de faire partie des vingt-quatre qui restèrent au fond de la Nouvelle-Castille. Il fut donc laissé sur ce rivage, suivant son désir ; car notre homme ne craint pas la mort sur la terre étrangère ; il tient peu à l’honneur de pourrir dans un tombeau ; et souvent il répète cet apophtegme : « Le cadavre sans sépulture a le ciel pour linceul ; partout il y a un chemin pour aller à Dieu. » Ce caractère aventureux pouvait lui devenir fatal, si la Providence divine ne l’eût protégé. Quoi qu’il en soit, après le départ de Vespuce, il parcourut avec cinq Castillans une foule de contrées, débarqua à Taprobane comme par miracle, et de là parvint à Calicut, où