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mis en déroute complète le gros de l’armée utopienne, se rua sans ordre, enivré par le succès, à la poursuite des fuyards. Alors une faible réserve, attentive aux occasions, put rapidement changer la face du combat, en attaquant les vainqueurs à l’improviste, tandis qu’ils se dispersaient çà et là en négligeant toute précaution par excès de confiance. Ainsi la victoire la plus certaine fut quelquefois arrachée aux mains qui la tenaient, et les vaincus battirent à leur tour les vainqueurs.

« Il est difficile d’affirmer si les Utopiens sont plus habiles à dresser des embûches que prudents à les éviter. Vous croiriez qu’ils préparent une fuite, quand ils méditent tout le contraire ; et, réciproquement, s’ils avaient le dessein de fuir, vous ne pourriez le deviner. Lorsqu’ils se sentent trop inférieurs en position ou en nombre, ils décampent de nuit dans un profond silence, ou bien ils éludent le péril par quelque autre stratagème. Quelquefois, ils se retirent en plein jour, mais en si bon ordre, qu’il n’est pas moins dangereux de les