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INTRODUCTION.

Maintenant, quelques mots sur la communauté des biens, base essentielle des théories de Thomas

    isolée et si bien défendue, en rapport avec l’avenir que lui présentait la découverte de l’Amérique et des Indes. Les bases du nouveau système furent naturellement celles-ci :

    Opérer la réunion de l’Écosse, ce qui faisait de l’empire britannique un centre national d’une complète et juste étendue ;

    Abandonner provisoirement toute prétention de conquête sur le continent européen ; mais y occuper la position dominante ;

    Affaiblir autant que possible l’influence et la force de la France ; la maintenir en état permanent de suspicion et d’hostilité vis-à-vis des autres puissances ;

    Choisir pour destinée et premier but d’ambition la souveraineté et le commerce des mers ; employer l’excès de population et d’activité intérieures à soumettre les terres lointaines, accessibles à la navigation.

    On sait que l’Angleterre a poursuivi l’accomplissement de ces projets avec une ténacité patiente et mesurée, per fas atque nefas, à travers les bouleversements, les progrès et les situations imprévues amenées par le temps. Aujourd’hui ce peuple, relégué au bout du monde, est partout au moyen de ses vaisseaux. Il plonge dans l’abîme où il se croit éternellement à l’abri, et son front brumeux se penche sur l’Europe, dont il observe et voudrait diriger tous les mouvements. Il a su la garrotter par des traités, des jalousies et des craintes qui la privent de spontanéité, d’expansion, d’initiative. Mais lui reste toujours libre, et maître de s’agrandir indéfiniment. Il prend les villes, les états ; il a dévoré l’Amérique, l’Afrique, l’Australie, les Indes ; il entame la Chine. Et personne ne lui demande compte de