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« Les Utopiens, pénétrés de ces principes, pensent qu’on ne doit faire grand cas des voluptés charnelles qu’autant qu’elles sont nécessaires et utiles. Toutefois, ils s’y abandonnent joyeusement, et remercient la nature qui prend soin de l’homme avec la tendresse d’une mère, en mêlant des impressions si douces et suaves aux fonctions indispensables de la vie.

« Quel triste sort serait le nôtre, s’il nous fallait chasser, à force de poisons et de drogues amères, la faim et la soif de chaque jour, comme nous chassons les autres maladies qui nous assiègent de loin en loin !

« Ils entretiennent et cultivent volontiers la beauté, la vigueur, l’agilité du corps, ces dons les plus agréables et les plus heureux de la nature. Ils admettent aussi les plaisirs que l’on perçoit par la vue, l’ouïe et l’odorat, plaisirs que la nature a créés exclusivement pour l’homme, et qui font l’assaisonnement et le charme de la vie. Car la bête n’arrête pas son regard sur la magnificence de la création, sur l’ordre et l’arrangement de l’univers. Elle