Livre 1. 43
» de faire des exceptions à cette loi divine, &
» ſoutenir qu’elle ne contient la défenſe du
» meurtre, qu’autant que les lois humaines
» ne le permettent pas, vous conviendrez que
» c'eſt ouvrir la porte à la licence la plus
» effrénée. Qui empêchera déſormais les
» hommes de compoſer avec l’Etre ſuprême,
» & de ſtatuer entre eux juſqu’à quel point il
» leur eſt utile de s’abſtenir de l’adultère, du
» viol, & du parjure? Non ſeulement Dieu
» ne nous a pas donné le droit d’ôter la vie
» à notre prochain (1); il nous a même dé-
» fendu d’attenter à la nôtre. Les lois portées
» par les hommes auraient-elles donc le pou-
» voir de légitimer l'accord qu’ils ont fait
» entre eux de s’arracher le jour dans de cer-
» tains cas, en obſervant quelques formalités
» juridiques? Ces mêmes lois auraient-elles
» encore le pouvoir de diſpenſer de l’étroite
» obligation du précepte, les bourreaux, qui,
(1) La Bible nous offre ici un exemple bien frappant.
Après le meurtre de ſon frère Abel, Caïn, condamné
par Dieu â une vie errante & vagabonde, s'écrie, lorſ-
qu’il entend ſon arrêt: Quiconque me rencontrera,
aura donc le pouvoir de me tuer? Non (répond le Sei-
gneur), celui qui tuera Caïn ſouffrira ſept fois plus que
lui.
