Page:More - Du meilleur gouvernement possible, ou, La nouvelle isle d'Utopie, 1789.djvu/70

42                     l’Utopie,
» de leurs auteurs.—Oui, généreux Prélat,
» il me parait abſolument contre toute juſtice
» d’ôter le jour à un homme, pour cauſe de
» vol, puiſque la vie d’un ſeul être ſurpaſſe
» en valeur tous les tréſors de cet Univers,
» & qu’on ne peut établir aucune proportion
» entre ces deux objets. En vain m’alléguera-
» t-on qu’on punit dans celui qui dérobe,
» moins ſon vol, proprement dit, que l'in-
» fraction qu’il a faite aux lois. Je réponds à
» cette objection, qu’une juſlice extrême eſt
» une extrême injuſtice. Certes, il eſt du
» devoir des Maîtres de la terre, & de ceux
» qui ſont à la tête du Gouvernement des
» Nations, d’abroger des lois dont les diſpo-
» fitions ne tendent à rien moins qu’à dévouer
» à l’infamie & au ſupplice celui qui tombe
» dans le plus léger oubli. A Dieu ne plaiſe
» que j’adopte le ſentiment des Soïciens, qui
» ſoutiennent que tous les délits ſont égaux,
» & qui n’admettent aucune différence entre
» l'aſſaſſinat & le vol d’un écu! Les ſimples
» lumières de l’équité ſuffiſent pour nous
» faire apercevoir l'énorme diſproportion qui
» ſe trouve entre ces deux crimes. Dieu nous
» a expreſſement défendu le meurtre, & vos
» Magiſtrats l’ordonnent journellement pour le
» vol de la moindre bagatelle. Entreprendre