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                    Livre 1.                     41
» deux le loiſir, je prendrais jour pour de-
» main. En attendant, mon cher Raphaël, je
» déſirerais ſavoir de vous quelles raiſons vous
» déterminent à croire que la peine capitale
» portée par nos loix contre le vol eſt injuſte
» en elle-même, & contraire à l’intérêt pu-
» blic. Quelle autre plus utile à la ſociété
» ſouhaiteriez vous que l’on prononçât con-
» tre les brigands? car je vois bien que vous
» n’êtes pas d’humeur à vouloir qu’on les to-
» lere. Si, de nos jours, la certitude du ſup-
» plice n’eſt point capable d’en impoſer aux
» voleurs, qui ſemblent renaître de leurs cen-
» dres, que ſerait-ce s’ils n’avaient plus la
» mort à redouter? Quelle digue aſſez forte
» pourroit-on oppoſer à leur brigandage & à
» leur ſcélérateſſe? Quelle punition aſſez
» effrayante me propoſerez-vous pour arrêter
» les excès auxquels ils ſe porteraient? Ne
» penſez-vous pas qu’en laiſſant la vie à ces
» malheureux, ce ferait leur faire une grâce,
» qu’ils regarderaient, ſinon comme une ré-
» compenſe, du moins comme une approba-
» tion tacite de leurs vols, ce qui ne manque-
» rait pas de les encourager. Je penſe que,
» ſur cet article, toute pitié ſerait cruelle,
» puiſqu’en augmentant le nombre des délits,
» elle augmenterait néceſſairement auſſi celui