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L'Utopie

ger, si bon lui semble ; dans ce cas, on présume qu’il a de bonnes raisons pour en agir ainsi. II n’est donc pas défendu de dîner ou de souper chez soi ; mais sort peu de gens prennent cette habitude. En premier lieu, c’est qu’elle blesserait les usages de la civilité, fort estimée chez les Utopiens ; en second lieu, c’est qu’il serait peu raisonnable de prendre la peine d’apprêter un mince dîner au logis, tandis qu’on en a un tout préparé & beaucoup meilleur à sa porte. Les esclaves seuls font chargés des travaux les plus rudes, & des offices les plus bas, sois au réfectoire, soit à la cuisine. Le soin d’apprêter les mets, de mettre le couvert, ne regarde que les semmes ; tour à tour celles de chaque famille font chargées de ce détail. On dresse toujours trois tables, & plus s’il est nécessaire. Les hommes sont assis du côté du mur, les femmes se placent vis-à-vis, afin que s’il leur prend quelque faiblesse, comme il arrive souvent à celles qui font enceintes, elles puissent se lever & sortir du réfectoire sans déranger personne. En cas d’incommodité, elles vont dans la chambre des nourrices, qui n’est séparée de la salle à manger que par un mur mitoyen. Là, celles qui nourrissent, trouvent toujours du feu, de l’eau propre, & des langes tout prêts pour changer