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couverte. Il y fut envoyé en 1684, avec deux vaisseaux & deux brigantins chargés de provisions. Il chercha long-temps & inutilement l’entrée du Mississipi, trompé par la latitude de la côte, qui s’étend d’orient en occident, & par les différentes rivieres ou bayes. Enfin il se rendit à la baye S. Louis ou S. Bernard, comme les Espagnols l’appellent. Là il fit bâtir un fort : mais ayant perdu un de ses vaisseaux avec un brigantin, & l’autre vaisseau l’ayant abandonné, il se trouva dépourvu de secours avec peu de monde. Sans se décourager il tâcha de trouver l’entrée du fleuve ; il découvrit plusieurs nations & fit quelques établissemens. Mais en 1687 il fut assassiné par ses gens mêmes, que leur vie errante, & la fréquentation des Sauvages avoient rendus féroces & indépendans. Ce ne fut qu’en 1698 que M. d’Hiberville, Canadien, capitaine des vaisseaux du roi, connu par ses entreprises, & par les avantages qu’il a remportés sur les Anglois dans la baye d’Hudson & dans l’Amérique méridionale, entreprit de découvrir par mer l’embouchure du Mississipi ; il en vint à bout après avoir été plusieurs fois trompé par les différens bras de ce fleuve, & par les rivieres qui s’y déchargent. L’ayant remonté jusqu’aux Natckés, Sauvages qui habitent un fort beau pays à cent vingt lieues de la mer, il revint en France ; & le roi lui ayant donné le gouvernement de la Louisiane, il y fit plusieurs voyages & différens établissemens. Mais trois mois avant l’arrivée des vaisseaux qui y porterent les premiers habitans, les Espagnols s’étoient emparé de Pansa Cola, qui n’est qu’à 14 lieues dans l’est de l’isle Dauphine ; ils se sont aussi depuis établis dans la baye S. Bernard ; poste considérable à cause de la proximité des Sauvages Assenis, chez lesquels il y a des mines. Les côtes de la Louisiane s’étendent plus de 200 lieues de l’est à l’ouest, & comme l’on a dit ci-dessus, l’étendue du pays ne se peut mesurer du sud au nord. Le sieur le Sueur, Canadien, remonta en 1700 le fleuve S. Louis jusqu’à 700 lieues de son embouchure : il est connu encore 100 lieues plus haut ; & jusque-là on n’y trouve aucun rapide. On croit que sa source est dans le pays des Sioux, que l’on prétend n’être pas fort éloignés de la baye d’Hudson, en passant par l’ouest du Canada. Le Missouri, qui est une riviere qu’on croit au moins aussi grande que le fleuve Mississipi, & qui donne son nom à un pays vaste, & inconnu, lequel fait parti de la Louisiane, vient du nord-ouest, & se décharge dans le fleuve Mississipi à 400 lieues de la mer. On a remonté cette riviere jusqu’à 300 lieues, & les Sauvages, dont les bords font très-peuplés, assurent qu’elle prend sa source d’une montagne, de l’autre côté de laquelle un torrent forme une grande riviere qui coule à l’ouest, & se décharge dans un grand lac, qui ne peut être que la mer du Japon. Les Illinois avec qui les François commercent, assurent que le pays du Missouri est très-beau & très fertile ; & croient qu’on y peut trouver des mines d’or & d’argent, les Sauvages du Missouri en ayant fait voir des morceaux. L’isle Dauphine & la riviere la Mobile, sont à 70 lieues à l’est de l’embouchure du fleuve Mississipi ou S. Louis. Ce sont jusqu’à présent les seuls postes établis le long de la côte. L’isle Dauphine s’appelloit il y a quelques années l’isle Massacre, à cause d’un grand nombre d’ossemens qu’on y trouve, lesquels sont les monumens d’une grande bataille entre deux nations sauvages. Les deux tiers du terrein de cette isle ne sont presque qu’un amas de sable mouvant, de même que toutes les autres isles de cette côte. Elle n’est habitée qu’à cause de son port, où ont abordé jusqu’ici les vaisseaux de France, & dont l’entrée se ferma les derniers jours d’avril 1717, par une digue de sable large de 14 toises, & aussi haute que l’isle. Le long du port il y a prés de 100 maisons, avec un fort qui n’est encore révêtu que de terre, & dans l’isle il y a une garnison de cent hommes. A la terre ferme, à 9 lieues du nord de cette isle, au fond d’une grande baye, est la riviere de la Mobile, à l’entrée de laquelle est un établissement plus considérable appellé le Fort-Louis. C’est-là que réside le gouverneur de la Louisiane, le commissaire ordonateur, l’état major & le conseil supérieur. Il y a dans ce fort plusieurs compagnies d’infanterie, dont le gouverneur fait des détachemens pour les postes plus avancés dans les terres. Les plus puissantes des nations le long de cette riviere, sont les Chicathas & les Alibawons. Le pays qu’arrose la Mobile est coupé de plusieurs petites rivieres, & couvert de bois presque par tout : on y trouve beaucoup d’animaux, surtout des ours, des bœufs & des chevreuils, dont les peaux font le commerce entre les Sauvages & nous. Nous achetons ordinairement une peau de chevreuil depuis dix jusqu’à 20 bales de fusil ; & nous leur donnons encore en échange des couvertures de laine, & des justes-au-corps rouges ou bleus (car les Sauvages aiment les couleurs éclatantes) de grosses chemises, des chapeaux, des couteaux, des haches, des pioches, de petits miroirs, de la rasade & du vermillon. Depuis que ces Sauvages nous connoissent, ils ne se couvrent plus de peaux, comme autrefois. Ils portent des chemises qu’ils usent ordinairement sans les laver. Quelques-uns portent sur ces chemises des couvertures lorsqu’il fait froid. Les habiles chausseurs qui sont les Sauvages riches, portent des justes-au-corps de couleur rouge ou bleue ; mais aucun d’eux n’aime à porter des culotes. Les femmes portent quelquefois des chemises & des couvertures comme les hommes, avec un petit jupon qui leur descend jusqu’aux genoux ; les hommes & les femmes se peignent le visage de rouge, de bleu, de noir & de blanc. Les Sauvages du Mississipi sont grands, bien faits, & d’une mine fiere ; ils ont ordinairement les yeux petits, le front plat, & la tête pointue ; les femmes pour la plupart sont petites & laides. Chaque nation croit avoir un esprit particulier qui la protége, mais on ne lui rend aucun culte. Les Sauvages croient la métempsycose, & quelques-uns adorent le soleil & le feu. Les approches de la Louisiane sont affreuses ; l’entrée en est défendue par plusieurs isles qui paroissent former autant d’écueils, & le terrein du bord de la mer est entierement noyé & impraticable. Mais quand on avance dans les terres, on voit un pays très-agréable & très-fertile. Lorsqu’on est parvenu à 50 lieues loin de la mer, on trouve par tout des meuriers & des vers à soie qui s’y perpétuent naturellement. En 1712 le sieur Crozat obtint par lettres patentes du roi, datées du 14 septembre, un privilége exclufif pour faire seul pendant quinze années consécutives le commerce dans toutes les terres possedées par S. M. & bornées par le nouveau Mexique, & par celles des Anglois de la Caroline, dans tous les établissemens, ports, havres, rivieres, depuis le bord de la mer, jusqu’aux Illinois, &c.… Par ces lettres patentes, le roi accorde au sieur Crozat, & à ses hoirs ou ayans cause, la propriété de tous les établissemens & manufactures qu’il fera audit pays, pour la soie, indigo, laines, cuirs, mines, minieres, & minéraux, & celle des terres qu’il fera cultiver, avec les logemens, bâtimens & moulins qu’il fera construire, &c. le tout