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pagnons ; & il assure que cela arriva du temps de S. Alexandre, qui succéda à Achillas en 312, ce qui justifie en quelque sorte le reproche des Ariens. Il fut élevé auprès du méme S. Alexandre ; qu’il suivit en 325 au concile de Nicée, où n’étant encore que diacre, il disputa, à ce que l’on croit, contre Arius : ce qui fut un des principaux sujets de la haine que les Ariens conçurent contre lui. À son retour, se doutant qu’on le vouloit élever à la place d’Alexandre, qui l’avoit désigné son successeur, il prit la fuite ; mais ayant été trouvé dans sa retraite ; il fut mis sur le siége d’Alexandrie, au commencement de l’an 326. Les Ariens n’oublierent rien pour s’opposer à sa promotion ; & leur haine s’augmenta lorsqu’Athanase eut refusé de communiquer avec Arius en 331. Ils s’unirent avec les Mélétiens pour le perdre : ils l’accuserent d’abord de crime d’état ; savoir, qu’il avoit envoyé un coffre plein d’or à Philamene, qui vouloit usurper l’Empire, & qu’il avoit imposé aux Egyptiens un tribut de robes de lin ou de laine pour l’église d’Alexandrie. Il fut justifié de ces accusations par les prêtres Alipe & Macaire, qui se trouverent à Constantinople dans le temps qu’on en parla à Constantin. Maison lui suscita deux autres accusations ; l’une que son prêtre Macaire étant allé trouver Ischytas dans la Mareote, avoit brisé un calice, renversé les Sacremens, & démoli une église ; l’autre qu’il avoit fait mourir Arsene évêque d’Hypsel en Thébaïde, du parti des Mélétiens. Cet Arsene se trouva vivant, & Constantin en ayant été informé, donna ordre qu’on cessât les poursuites commencées contre S. Athanase, & lui écrivit une lettre très-avantageuse ; mais ses ennemis renouvellerent leurs calomnies près de l’empereur, qui fatigué de leurs importunités continuelles, indiqua un concile à Césarée, ville de la Palestine, où S. Athanase ne voulut pas comparoître ; parceque les principaux évêques qui y assistoient, étoient ses ennemis déclarés. Un an après, Constantin indiqua un autre concile à Tyr, l’an 335, où S. Athanase eut ordre de se rendre. Il y confondit ses adversaires sur le meurtre d’Arsene, en faisant paroître cet évêque en personne dans ce concile. Les évêques de cette assemblée insisterent sur l’accusation du calice brisé par Macaire ; en intenterent une nouvelle contre S. Athanase, qu’ils prétendirent avoir eu commerce avec une femme de mauvaise vie ; & ayant envoyé faire une information à Mareote, ils déposerent S. Athanase, & lui firent défense de demeurer à Alexandrie. Ce Saint eut recours à Constantin, qui fit venir en cour les évêques, qui l’avoient condamné : ils y envoyerent des deputés, qui accuserent S. Athanase d’avoir menacé qu’il empêcheroit qu’on apportât du bled d’Alexandrie à Constantinople : sur quoi l’empereur, sans l’écouter, l’envoya en exil à Trèves. Il y fut reçu avec beaucoup d’accueil par Constantin le Jeune, & par S. Maximin, qui en etoit évêque. Le peuple & le clergé d’Alexandrie demanda inutilement à Constantin le rappel de S. Athanase. Cet empereur étant tombé malade l’an 337 de J. C. ordonna, malgré l’opposition d’Eusebe de Nicomédie, & de ses partisans, que l’on fît revenir S. Athanase à Alexandrie. Quelque temps après la mort de Constantin le Grand, les trois Césars, ses enfans, Constantin, Constance & Constant permirent à tous les évêques de retourner à leurs églises. S. Athanase fut renvoyé d’Alexandrie avec des lettres de Constantin, après avoir été deux ans & quatre mois en exil. Quand il fut de retour, ses ennemis l’accuserent de nouveau auprès de l’empereur Constance : il fut déclaré innocent dans un concile tenu à Alexandrie l’an 339 ou 340. D’autre côté Eusebe de Nicomédie, & les évêques du parti d’Arius, choisirent Piste pour évêque d’Alexandrie & le firent ordonner par Secundus, évêque de Ptolémaïde. Ce Piste n’ayant point été reconnu, ils assemblerent un Concile à Antioche au commencement de l’an 341, où ils ordonnerent Grégoire Cappadocien évêque d’Alexandrie. Celui-ci arriva dans cette ville vers les fêtes de Pâque ; s’empara des églises ; & y commit des violences & des sacriléges. S. Athanase se retira à Rome ; & fut bien reçu du pape Jules I, qui écrivit aux Eusébiens qu’ils eussent à se rendre à Rome à un concile qui s’y tiendroit au mois de janvier 342. S. Athanase fut déclaré innocent dans le concile ; où ses adversaires ne comparurent point. Les Orientaux se plaignirent au pape Jules I, de ce qu’il avoit reçu à sa communion S. Athanase. Ce saint passa trois ans dans Rome & fut appellé la quatriéme année à Milan par l’empereur Constant ; qui écrivit à son frere Constance qu’il falloit assembler un concile des évêques d’Orient & d’Occident, pour juger la cause de S. Athanase. Ce concile fut assemblé l’an 347 à Sardique : les Orientaux s’en retirerent, & les évêques d’Occident y prononcerent une sentence d’absolution en faveur de S. Athanase, qui fut rétabli en 349 dans le siége d’Alexandrie, à la sollicitation de l’empereur Constant. En revenant à Alexandrie, il fut reçu à la communion dans un concile de seize évêques de Palestine assemblés à Jérusalem par Maxime évêque de cette ville. Il fut ensuite confirmé dans son siége par le concile tenu à Alexandrie ; mais après la mort de l’empereur Constant, la malignité de ses ennemis continuant de le calomnier, l’empereur Constance donna des ordres de chasser S. Athanase d’Alexandrie. Ce saint fut obligé de se cacher, & se retira dans le désert : les Ariens mirent en sa place George, qui demeura en possession du siége d’Alexandrie jusqu’à la mort de Constance. Après la mort de cet empereur, Julien ayant permis aux évêques exilés de revenir, & George ayant été tué dans une sédition populaire en 362, S. Athanase revint à Alexandrie, & fut rétabli sur son siége. Dès qu’il fut de retour, il assembla un concile, pour juger de la maniere dont il falloit en user pour recevoir les Ariens qui vouloient revenir au sein de l’église, & pour regler quelques différends survenus dans l’église d’Antioche ; mais il ne put pas long-temps travailler pour le bien de l’église, car les païens l’ayant rendu odieux à Julien, cet empereur envoya un ordre pour le chasser d’Alexandrie. S. Athanase s’enfuit, & demeura caché jusqu’à l’empire de Jovien prince chrétien, qui succéda à Julien le 27 juin de l’an 363. Alors S. Athanase revint à Alexandrie, où il tint un synode des évêques d’Egypte, de la Thébaïde & de la Lybie au nom desquels il adressa une lettre à l’empereur Jovien, dans laquelle il lui propose la formule de foi du concile de Nicée comme la régle de la foi orthodoxe & condamne ceux qui nioient la divinité du S. Esprit. S. Athanase alla lui-même trouver Jovien à Antioche, où les Ariens, qui étoient venus pour l’accuser, furent très-mal reçus. Mais il eut encore à souffrir sous l’empire de Valens, lequel ayant été baptisé en 367 par Eudoxe, évêque Arien de Constantinople, fit un édit, par lequel il ordonna que tous les évêques qui avoient été déposés sous l’empire de Constance, seroient chassés de leurs siéges. S. Athanase pour éviter l’effet de cette ordonnance, se retira pour quelque temps à la campagne dans le tombeau de ses peres, & y demeura caché pendant quatre mois ; mais Valens fut obligé de le rappeller. S. Athanase eut depuis quelques différends avec un gouverneur de Lybie, qu’il excommunia. Enfin il finit heureusement le cours de sa vie, troublée par tant de traverses & de persécutions, l’an 373 de J. C. le 2 mai, après avoir été évêque d’Alexandrie pendant plus de quarante-six ans.

Entre les docteurs de l’église, S. Athanase a eu seul cet avantage, que pendant sa vie, sa condamnation, & celle de la foi de l’église, a passé pour la même chose. Ses écrits avoient une si grande réputation que l’abbé Côme disoit : Que quand où trouveroit quelque opuscule de ce S. prélat, il le falloit écrire sur ses habits si on manquoit de papier. S. Grégoire de Nazianze a commencé l’éloge de ce grand archevêque par cette dé-