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mes défenses ; mais il permit d’enseigner la dialectique ou la logique de ce philosophe, au lieu de celle de S. Augustin, que l’on expliquait auparavant dans les écoles de l’université. L’an 1231 le pape Grégoire IX défendit encore d’enseigner la physique & la métaphysique d’Aristote, jusqu’à ce que ces livres eussent été revus & corrigés, dans les endroits qui contenaient quelques erreurs. Néanmoins peu de temps après, Albert le Grand, & S. Thomas d’Aquin, firent des commentaires sur Aristote. Campanella croit qu’ils avoient eu quelque permission particuliere du pape, pour travailler à ces ouvrages. L’an 1265, Simon, cardinal du titre de sainte Cecile, légat du saint siége, défendit absolument la lecture de la métaphysique & de la physique d’Aristote. Toutes ces défenses cesserent en 1366 : car alors les cardinaux du titre de S. Marc & de S. Martin, commissaires députés par le pape Urbain V, pour réformer l’université de Paris, permirent l’explication des livres, dont la lecture avoit été défendue auparavant. L’an 1448 le pape Nicolas V approuva les ouvrages d’Aristote, & en fit faire une nouvelle traduction latine. Enfin, l’an 1452, le cardinal d’Estouteville, qui avoit été nommé par le roi Charles VII pour rétablir l’université de Paris, ordonna que les professeurs expliqueroient la morale de ce philosophe, aussi bien que sa logique, sa physique, sa métaphysique, & ses autres traités de philosophie. L’an 1543, Ramus voulant établir une autre philosophie, composa deux livres intitulés, l’un Dialecticæ institutiones ; & l’autre Aristotelicæ animadversiones ; mais le roi François I fit supprimer ces livres, & autorisa ceux d’Aristote, que l’on a continué de lire publiquement dans l’université de Paris ; & lorsqu’en 1624 Antoine Villon, Etienne de Claves & Bitault voulurent publier & soutenir des thèses contre la doctrine d’Aristote, ils furent condamnés par l’université, & par le parlement de Paris. Gassendi & Descartes ayant dans le siécle passé mis en vogue de nouveaux principes de philosophie, celle d’Aristote n’a plus eu le même crédit dans le monde, & est maintenant presque généralement abandonnée, sur-tout en France, si ce n’est dans quelques couvens. On peut consulter un ouvrage de Jean de Launoi, intitulé De varia Aristotelis fortuna, celui que Patricius a composé sous le titre de Peripateticæ discussiones, & un traité que le P. Rapin a publié depuis intitulé Comparaison de Platon & d’Aristote. * Diog. Laërc. in vit. Arist. l. 5. Plut. in Alex. & Sylla. Cicer. Pline. Elien. Euseb. S. Aug. Boëce. S. Jean de Damas, Strabon, l. 13. Patricius, in disc. Vossius, de Phil. sect. &c. Gassendi, Exerc. Parad. adversùs Aristotelαos.

Diogène Laërce parle de plusieurs auteurs du nom d’Aristote. Le premier est celui dont nous venons de parler. Le second gouverna la république d’Athènes, & on voit de lui des harangues fort élégantes. Le troisiéme écrivit de l’iliade d’Homere. Le quatriéme, orateur de Sicile, répondit au panègyrique d’Isocrate, & fut surnommé Mychus. Le cinquiéme, qui écrivit de l’art poëtique, étoit de Cyrène. Le sixiéme étoit un maître de grammaire, dont parle Aristoxene dans la vie de Platon. Le septiéme etoit aussi grammairien, mais de peu de considération. Nous pouvons encore aiouter à ceux-là Aristote de Chalcide, qui avoit écrit une hisloire d’Eubée, citée par Harpocration & par le scholiaste d’Apollonius. On a fait dans le XVII siécle monter le nom des Aristotes jusqu’à 31. * Diogenes Laërt. l. 5 in Arist. Voffius, de hist. Græc. I. 4.. Jonsius, de hist. Peripat. Bayle, dict. crit.

ARISTOTE, architecte, célébre dans le XV siécle. Il étoit de Boulogne, & de la famille des Aiberri. Après avoir donné en Italie des preuves de sa capacité, qui alloit jusqu’à transporter d’un lieu à un autre une tour de pierres ; il passa en Moscovie, attiré par le duc Jean Basilides, qui l’employa dans la construction de plusieurs églises. * Bayle, dict. crit.

ARISTOTIME, l’un des principaux d’Epire, se rendit maître de la principale ville de cette province, & y établit sa tyrannie. Ensuite il fit mourir plusieurs des habitans, & en envoya grand nombre en exil. Les Etoliens le prierent de rendre au moins les femmes à ces exilés ; mais il le refusa. Depuis, feignant de s’en repentir, il leur donna permission de s’en aller ; mais comme elles étoient asemblées aux portes de la ville pour sortir, il leur enleva ce qu’elles emportoient de précieux, les envoya en prison, & fit violer les filles, & égorger les enfans. Cependant, Hellanicus, un des plus considérés du pays, assembla ses amis en sa maison, & les exhorta à venger sa patrie. Mais voyant qu’ils n’avoient pas assez de courage, pour secouer le joug d’une servitude si facheuse, il fit venir ses domestiques, leur commanda de fermer les portes du logis, & d’aller avertir Aristotime que ces conjurés en vouloient à sa vie. Ce dessein les étonna si fort, que voyant qu’il y avoit du danger de tous côtés, ils donnerent la main à cette conjuration : ainsi le tyran fut tué cinq mois après avoir usurpé la puissance souveraine, * Justin, l. 26 c. 1. Pausanias, l. 5.

ARISTOXENE, de Selinunte, poëte Grec, qui vivoit sous la XXXIX olympiade, selon Eusebe, c’est-a-dire vers l’an 614 avant J.C. S. Cyrille l’a pris pour le philosophe ; mais il se trompe en la supputation des temps, comme on le peut voir dans l’article suivant. * Vossius, de poët. Græc.

ARISTOXENE, philosophe & musicien, naquit à Tarente, ville d’Italie. Il étoit fils du musicien Mnésias, autrement appellé Spinthare. Etant dans la ville de Mantinée, il y prit du gout pour la philosophie, & s’appliqua à la musique, dans laquelle il réussit. Il fut en premier lieu disciple de son pere & de Lamprus d’Erythrée ; puis du pythagoricien Xenophile ; enfin d’Aristote, sous lequel il eut Théophraste pour condisciple. Tel est le récit de Suidas, qui ajoute qu’Aristoxene piqué de voir qu’Aristote lui eut préféré Théophraste, en se nommant un successeur dans son école philosophique, déchira la mémoire de leur maître commun. Mais le péripatéticien Aristocle, dans Eusebe, disculpe Aristoxene sur ce point, & assure que ce disciple parla toujours avec respect & d’une maniere honorable d’Aristote. Aristoxene vivoit donc, comme on voit, sous Alexandre le Grand, & ses premiers successeurs. Il florissoit sous la CXIV olympiade, environ 324 ans avant J.C. & il fut contemporain de Messénien Dicéarque, historien très-fameux. De tous les ouvrages philosophiques, historiques, philologiques & autres, qu’Aristoxene avoit composés, & dont on trouve une notice exacte dans la Bibliothéque grecque de Jean-Albert Fabricius, l. 3, ch. 10, il ne nous reste aujourd’hui que ses trois livres des Elémens harmoniques ; & c’est le plus ancien traité de musique qui soit parvenu jusqu’à nous. Meursius, pour la premiere fois, en publia le texte, suivi de ceux de Nicomaque & d’Alypius, autres musiciens Grecs, & des notes de l’éditeur ; le tout imprimé à Leyde, en 1616 in-4º. La version latine d’Aristoxene & celle des Harmoniques de Ptolémée faites par Antonin Gogavin, avoient paru conjointement à Venise dès l’année 1561, in-4º. mais on a vu reparoître avec un nouvel éclat le texte grec d’Aristoxene, revu & corrigé sur les manuscrits, accompagné d’une nouvelle version latine, & de savantes notes de Marc Meibomius, qui l’a fait imprimer à la tête de la belle édition qu’il nous a donnée des musiciens Grecs, à Amsterdam, en 1652, deux volumes in-4º. Il est parlé de cet ouvrage d’Aristoxene touchant la musique dans plusieurs auteurs anciens, tels qu’Euclide, Cicéron, Vitruve, Plutarque, Athené, Aristide, Quintilien, Ptolémée, Boëce, &c. A l’égard de ses autres traités concernant la musique, & qui sont perdus, ils rouloient, 1o. sur les joueurs de flûte, les flûtes & autres instrumens de musique ; 2o. sur la ma-