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partage partage que Caïn avoit fait de fruits, dont il n’avoit offert que la moindre portion au Seigneur. Mais S. Paul, dans l’epître aux Hébreux, nous assure que ce fut la foi d’Abel qui rendit son offrande préférable à celle de Caïn: Ce fut, dit-il, par la foi qu’Abel offrit une plus excellente, ou selon la force du texte grec, une plus abondante offrande au Seigneur. Voilà la véritable raison & la plus naturelle.

On demande en troisiéme lieu, de quelle maniere Dieu fit connoître qu’il agréoit les offrandes d’Abel, & qu’il rejettoit celles de Caïn. On croit communément qu’un feu du ciel tomba sur les victimes offertes par Abel,& qu’il ne parut rien de semblable sur les offrandes de Caïn. S. Jérôme a rapporté cette tradition des Juifs, & la confirme par la version de Théodotion, qui porte que Dieu consuma par le feu le sacrifice d’Abel, & non celui de Caïn. Cette opinion a été suivie par la plupart des peres de l’église & des commentateurs de l’écriture. Quoique cela ne soit pas exprimé dans la Genèse, les autres occasions où Dieu a témoigné par ce signe qu’il agréoit des sacrifices, ont donné lieu à cette conjecture. C’est ainsi que le sacrifice offert à la consécration d’Aaron fut consumé par un feu céleste : la même faveur fut accordée à Gédéon, à David & à Salomon, dans quelques-uns de leurs sacrifices. Elle est certainement plus vrai-semblable que ce que quelques-uns ont imaginé, qu’un lion parut au milieu des flâmes sur le sacrifice d’Abel. Mais après tout, ce n’est qu’une conjecture qui n’est point appuyée sur les livres saints. Peut-être la différence dont Dieu recevoit ces offrandes ne fut-elle connue que par la prospérité de l’un, & le peu de succès de l’autre. C’est apparemment ce qui chagrina si fort Caïn, qu’il en conçut une animosité cruelle contre son frere, qui le porta à tremper ses mains dans son sang.

On demande encore de quelle maniere Caïn commit ce fratricide. Ce fut d’un coup de pierre, selon quelques-uns ; d’autres disent qu’il déchira son frere à belles dents ; d’autres qu’il le tua avec une mâchoire d’âne ; quelques-uns lui mettent une fourche en main ; S. Chrysostome une épée, S. Irenée une faulx, & Prudence un rateau. Ce sont toutes conjectures frivoles. La seule chose que nous apprend l’écriture, c’est qu’il mourut d’effusion de sang.

On ne convient pas de l’âge qu’avoit Abel quand il mourut, & il est impossible de le savoir, parceque le temps de sa naissance n’est point marqué dans l’écriture sainte ; cependant quelques-uns veulent que Caïn soit né la premiere année du monde, & Abel la seconde. Quelques rabbins les font freres jumeaux. Le temps de la mort d’Abel paroît plus certain ; car quoique l’écriture ne marque point précisément l’année qu’il fut tué, elle remarque que sa mere ayant depuis sa mort enfanté Seth, dit en le mettant au monde : Dieu m’a donné un autre fils à la place d’Abel que Caïn a tué. Cela marque visiblement que la mort d’Abel étoit toute récente, puisque la naissance de Seth étoit une consolation pour la mere. Or l’année de la naissance de Seth est marquée à l’an 130 du monde, 3874 avant J.C. 840 de la période julienne.

Jesus-Christ donne à Abel la qualité de premier juste, dont le sang a été répandu ; la mort qu’Abel a souffert, étant innocent, lui peut aussi mériter celle de martyr. Mais on ne voit pas sur quoi est fondée l’opinion de quelques peres, qui ont assuré qu’il étoit mort vierge, car il est vrai-semblable qu’Abel ayant vécu 128 ans, dans un temps où il étoit nécessaire de multiplier le genre humain, a eu une femme & des enfans. Quoiqu’Abel mérite autant qu’aucun autre des patriarches d’être mis au rang des saints, & que son offrande soit alléguée dans le canon de la messe avec les sacrifices d’Abraham & de Melchisedech, on ne voit pas que dans l’ancienne église on ait célébré sa mémoire. Les Grecs, qui ont honoré par des fêtes particulieres les patriarches & les prophétes, n’ont point mis Abel en ce rang ; & son nom ne paroît dans aucun des martyrologes latins avant le X siécle, ni même dans le nouveau martyrologe romain. Cependant il y a long-temps qu’on l’invoque dans les litanies dressées pour la recommendation de l’ame des mourans. Quelques martyrologes ont fait mémoire de lui au 25 de mars, comme ayant été la figure de J.C. mourant, dont les anciens avoient fixé la mort en ce jour : il est mis au second jour de janvier dans le calendrier julien. Pierre de Natalibus a fixé sa fête au 30 de juillet. * Genèse, 4. S. Jérôme, trad. hebr. in gen. Eutychius patriarche d’Alexand. in annal. Pererius & les autres commentateurs, in genes. Bayle, dict. crit. Baillet, vies des saints de l’anc. testam.

ABEL, roi de Danemarck, étoit fils de Valdemar II, & frere d’Eric VI, qui avoit succédé à la couronne. Abel qui étoit le puîné se persuada qu’il y devoit avoir part, & ayant gagné quelques séditieux qui tuerent Eric, il s’empara de son trône l’an 1250 : mais il ne jouit pas long-temps de son parricide & de son usurpation ; car deux ans après il fut tué par des paysans en la guerre de Frise. On dit que le lieu où on l’enterra étoit toutes les nuits couvert de spectres. * Krants, l. 7, c. 21. Spond. A. C. 1250.

ABEL (Pierre) avocat au Parlement, a fait des observations sommaires sur la coutume de Bretagne 1 vol. in-4º, imprimé à Laval en 1689. René de la Bigotiere, sieur de Perchambaut, président aux enquêtes du parlement de Bretagne, en a donné une nouvelle édition en 1694, revue par lui, & corrigée & augmentée. * Mém. mss. de M. Boucher d’Argis.

ABEL (Thomas) cherchez ABLE.

ABELA, ville située au milieu de la tribu de Nephthali. Cette ville étoit moins illustre par ses fortifications, qui la rendoient imprenable, que pour avoir produit une femme qui la délivra d’un grand siége & de sa ruine, & qui remit ses habitans dans les bonnes graces du roi. Voici comment la chose arriva. David étant retourné victorieux de la bataille qu’il donna à son fils Absalom, & voyant les rebelles ou dissipés ou remis dans leur devoir, croyoit n’avoir plus rien à appréhender, lorsqu’un nommé Seba, fils de Bochri, de la tribu de Benjamin, fit encore révolter toutes les tribus, à la réserve de celle de Juda, sonna de la trompette, qui est le signal d’une guerre ouverte & déclarée, & vint s’enfermer en cette ville, à dessein d’y faire périr l’armée royale. David qui vit les suites pernicieuses que cette révolte pouvoit avoir, ne lui donna pas le temps de se fortifier, & le fit suivre de près par toutes les troupes, dont Joab étoit le général. Le siége fut mis devant Abela ; & les habitans ayant refusé à Joab l’entrée dans leur ville, & de lui remettre le rebelle, il commença de faire le dégât dans la campagne, menaça de faire tout passer au fil de l’épée, & de ne laisser pierre sur pierre dans cette grande ville, s’ils s’opiniâtroient à la défendre. Ces menaces auroient eu leur effet, si une femme de grand esprit, voyant le péril où les habitans s’étoient engagés par leur imprudence, & animée par l’amour de sa patrie, ne fût montée sur la muraille, & n’eût demandé à la garde la plus avancée des assiégeans de lui faire parler â Joab. Ce général s’étant avancé, elle lui demanda pourquoi le roi employoit une puissante armée pour les détruire, lui qui ne devoit porter les armes que pour leur défense ? Joab répondit que le roi n’en vouloit aux habitans que parce qu’ils donnoient retraite dans leur ville au rebelle Seba ; & que si on vouloit le lui remettre entre les mains, il leveroit incontinent le siége, & les délivreroit de la misere où ils étoient réduits. Cette femme le supplia de se donner un peu de patience, & lui dit que dans un moment les choses tourneroient de maniere qu’il pouroit être satisfait. Ensuite étant retournée dans la ville, & ayant fait assembler les habitans, elle leur représenta si bien le tort qu’ils avoient de protéger un rebelle, & de s’exposer