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ces qui étoient alors en usage, il se transporta à Paris, puis à Reims, pour apprendre l’astronomie & la dialectique, & revint à Orléans, Il apprit aussi en son particulier la musique, la géométrie, & la rhétorique. Ces études occupoient Abbon à Fleuri, lorsque S. Oswald, Evêque de Worchester, qui connoissoit ce monastere pour y être venu se former aux exercices qu’on y pratiquoit, demanda en 985 qu’on lui envoyât quelque savant moine pour instruire dans la piété & dans les lettres, ceux de l’abbaye de Ramsey dont il étoit le fondateur. On jetta les yeux sur Abbon, qui n’étoit encore que diacre. Son mérite fut reconnu & honoré du roi Ethelrede & des grands du royaume d’Angleterre. S. Oswald l’ordonna prêtre, peu après son arrivée, jugeant qu’il convenoit de dispenser de la loi un homme doué de tant de savoir & de vertu, dans un âge auquel les canons ne supposent pas que l’on ait ordinairement acquis cette perfection. Sur la fin de l’an 987, il revint à Fleuri ; & l’abbé étant mort peu de temps après, la communauté l’élut pour lui succéder. Cette dignité n’interrompit point ses études. Il étoit continuellement occupé à lire, écrire ou dicter : montrant en cela l’exemple de ce qu’il prescrivoit à ses religieux, à qui il recommandoit l’étude comme étant utile à la piété, & comme une pratique très-propre à les faire avancer dans la voie de la vertu, & à les y soutenir. Ses études pour lors furent totalement dirigées vers les objets qu’il avoit à traiter comme abbé. Il ne négligea rien pour se remplir de la doctrine qui est contenue dans l’écriture sainte, & dans les ouvrages des saints peres. Il en tira quantité de sentences choisies, dont il fit un recueil, afin d’avoir toujours en main de quoi se défendre contre Arnoul, évêque d’Orléans, prélat respectable, mais qui non content de la jurisdiction spirituelle sur le monastere de Fleuri, exigeoit encore que l’abbé se reconnût pour son vassal, & comme tel lui prêtât serment de fidélité. Le refus constant d’Abbon lui attira de la part d’Arnoul quelques mauvais traitemens, auxquels il n’opposa que la douceur & la patience, alléguant pour raison, que son abbaye ne dépendoit que du roi pour le temporel. Bientôt après il essuya une autre disgrace, à l’occasion d’un concile de plusieurs évêques tenu vers 995 à S. Denys en France, auquel il étoit invité. Comme il vit qu’au lieu de traiter les matieres de la foi & de la discipline ecclésiastique, comme on l’avoit annoncé ; on parloit seulement d’ôter aux moines & aux laïcs les dixmes qu’ils possédoient, & de les donner aux évêques, il s’y opposa fortement ; & la populace ayant ourragé les évêques, qui furent contraints de se sauver sans rien conclure, on rejetta cette violence sur Abbon. Mais il sut se justifier pleinement auprès des princes regnans, Hugues Capet & Robert son fils ; par un écrit apologétique, qui se trouve imprimé à la tête du recueil de ses lettres, publié en 1687 in-folio, sur les manuscrits de P. Pithou, & imprimé au Louvre avec l’ancien code des canons de l’église romaine. Comme Abbon n’y traitoit que du fait dont on l’accusoit, il crut devoir présenter aux mêmes princes un autre écrit sur la matiere qui avoit donné lieu au soulevement. Il s’agissoit de leur persuader qu’ils devoient soutenir les priviléges accordés aux monasteres. C’est ce qu’il fait, en établissant les devoirs des rois, & ceux de leurs sujets, comme aussi les droits de l’ordre monastique, & ce qui regarde les avoués (advocati) ou défenseurs & protecteurs des églises & monasteres. Cet ouvrage est un tissu de maximes puisées dans les conciles, les écrits de quelques peres, le code théodosien, les novelles de Justinien, les capitulaires de nos rois, &c. Et il est à remarquer qu’Abbon n’y a fait aucun usage des fausses décrétales. Le P. Mabillon l’a donné dans le deuxiéme tome de sa collection intitulée Vetera analecta. Abbon avoit déja paru avec distinction dans deux conciles ; celui de S. Basle en 991, & celui de Mouson en 995 ; l’un & l’autre assemblés contre Arnoul archevêque de Reims, dont il se rendit le défenseur, & qu’il réussit quelque temps après à faire rétablir entierement, pendant son ambassade vers le pape Grégoire V de la part du roi Robert. Dans le cours de sa négociation, il s’acquit l’estime du pape, qui dans les lettres qu’il lui écrivoit ensuite, l’honoroit du titre d’ami. Sa science & sa sagesse universellement reconnues, le firent respecter des grands & des savans, & le rendirent l’arbitre de presque tout ce qui concernoit la discipline monastique, pour laquelle il étoit très-zélé. Il fut la victime de son amour pour le bon ordre : car étant allé à la Réole, abbaye soumise à Fleuri, pour y rétablir la discipline, il s’excita une sédition, dans laquelle il reçut un coup de lance, dont il mourut le même jour 13 de novembre 1004. Il y fut enterré, & honoré comme martyr. Les actes du concile de Limoges de l’an 1031, attestent que dès-lors son culte étoit établi dans plusieurs églises. Celles de Fleuri & de la Réole en font une fête solemnelle. Aimoin son disciple a écrit son histoire, que le P. Mabillon a insérée dans la premiere partie du sixiéme siécle des actes des saints de l’ordre de S. Benoît.

Abbon avoit beaucoup écrit ; mais il ne reste qu’un petit nombre de ses ouvrages, dont plusieurs sont même encore manuscrits. Nous avons déja parlé du recueil de ses lettres imprimé. Nous ajourerons seulement quelques singularités qui s’y trouvent, & qui ne sont pas indifférentes pour l’histoire : c’est 1o qu’en écrivant au pape, il se sert des termes de majesté, sainteté, révérence, & sérénité, 2o que dans des lettres adressées au roi Robert, il fait revivre la qualité de serviteur des serviteurs de Dieu, que prenoient anciennement les abbés & même de simples moines, à la tête de leurs lettres & autres écrits. Son apologétique (dont il a été fait mention ci-dessus) quoiqu’assez bien fait pour sa justification, est blâmable à plusieurs égards. Son recueil de canons contient de fort bonnes choses, mais dont la plupart semblent ne point venir à son but. Le P. Jean Busée, Jésuite, publia â Mayence en 1602 in-4º son abregé des vies des papes, finissant à Grégoire II. Surius a donné la vie de S. Edmond roi d’Angleterre, composée par Abbon ; & M. Arnauld d’Andilly l’a traduite en françois. Ce savant abbé travailla aussi sur les cycles de Victorius & de Denys le Petit, sur le comput, sur l’astronomie, la dialectique, la grammaire, &c. Il écrivit contre une erreur populaire, qui se répandoit de son temps, & annonçoit la fin du monde comme prochaine ; & sur d’autres sujets que les circonstances lui fournirent ; & dont il est parlé très au long dans le septiéme tome de l’Histoire littéraire de la France, d’où cer article est tiré. Voyez aussi le tom. VI, p. 65, 70, &c. & les vies des saints de M. Baillet, au 13 de novembre.

ABBOT (Robert) évêque de Salisburi, né en 1560, fils d’un tondeur de draps de Guard, dans le comté de Surrey. Après avoir fait ses études, il devint ministre, se fit recevoir docteur en théologie à Oxford, où il fut ensuite principal du collége de Bailleul, & professeur royal en théologie. Il étoit déja chapelain du roi Jacques I, dont il s’acquit la bienveillance par les leçons qu’il fit de la souveraine puissance des rois, en faveur de laquelle il écrivit contre Bellarmin & Suarez. Son zèle lui valut l’évêché de Salisburi, auquel il ne fut pourtant élevé que trois ans avant sa mort, qui arriva l’an 1618. Outre son livre de suprema potestate regia, & une réponse à l’apologie de Jean Eudæmon, il a laissé quelques traités de controverse. * Athenæ oxonienses. M. Bayle, dict. critiq.

ABBOT (George) frere puîné du précédent, né en 1562, à Guilford, fit ses études à Oxford, & devint principal du collége de l’université de cette ville en 1597. Deux ans après il fut pourvu du doyenné de Winchester, qu’il garda jusqu’en 1609 qu’il succéda à Thomas Morton dans celui de Glocester ; il passa presque en trois mois de l’évêché de Licht-field à celui de Londres,