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l’abbaye d’Hirfeld, avec le titre de principauté, qui a été cédée à la maison de Hesse-Cassel par le traité de Munster. Voyez Otton Mencken dans ses notes sur Hornius, où il remarque que le grand-maître de l’ordre de saint Jean a aussi séance avec ces abbés princes. Sous les colléges des prélats dans l’empire, sont comprises les abbesses, à qui la bienséance ne permet pas de se trouver en personne dans les diétes, où l’on traite des affaires d’état, mais elles y envoient des députés qui agissent en leur nom. Il y a quinze de ces abbayes que je mets ici selon l’ordre où elles se trouvent dans Imhoff, en sa notice des princes de l’empire, liv. 3, ch. 29.

Essenden. Herford. Heggenbach.
Buchauw. Gerenrod. Gutenzel.
Quedelimbourg. Ratisbonne. 2. Ab. Roten Munster.
Andlaw. Bortscheid. Baindt.
Lindaw. Gandersheim.

L’abbaye de Lindaw & les quatre derniers sont du banc des prélats de Souabe, les dix autres sont des cercles du Rhin.

Il y a aussi des abbayes royales ou impériales, qui sont des monasteres bâtis & fondés par la libéralité des rois ou des empereurs, dont ils dépendent immédiatement, & qui sont exempts de la jurisdiction des évêques. Elles ont ce privilége, que les abbés ne peuvent être nommés ni investis que par les mêmes princes de qui ils reçoivent la crosse, comme on voit que cela se faisoit anciennement, par la charte de l’empereur Henri II, en date de l’an 1012, & par le témoignage de Suger dans l’Histoire de Louis VI roi de France. Snger, après la mort d’Adam, abbé de saint Denys, fut élu par tous les moines ; mais cette élection n’eut point d’effet, qu’après que le roi, qui n’en avoit rien su, l’eût établi de son autorité, comme une personne qui lui étoit agréable. Comme ces abbayes étoient l’effet de la libéralité des rois, les abbés étoient tenus à de certains services, & sur-tout d’aller ou d’envoyer quelqu’un pour eux à la guerre : ce que du Fresne nous apprend par plusieurs exemples des mêmes abbés de saint Denys & de ceux de saint Sulpice de Bourges. Dans la cérémonie de l’hommage qu’ils rendoient au roi, ils s’exprimoient en ces termes : Sire, je deviens votre homme lige, & vous promets loyauté jusqu à la mort.

Les abbayes de femmes, du moins en France, n’ont commencé que vers l’an 567, après que la reine Radegonde, quatriéme femme de Clotaire I, qui aimoit la solitude, eut fondé un monastere à Poitiers sous le titre de sainte Croix. Cet exemple fut suivi de plusieurs femmes, & peu à peu le royaume s’est rempli d’abbayes, parmi lesquelles il y en a de très-riches & de fondation royale, comme Chelles, Poissi, &c. Dès le troisiéme siécle il y a eu des filles qui prenoient la résolution de ne se point marier, comme nous l’apprenons de Tertullien & de saint Cyprien ; mais elles demeuroient dans la maison de leurs peres ou de leurs proches parens ; elles n’étoient point récluses à part, & se contentant de porter un voile, elles se trouvoient aux assemblées publiques de piété avec les autres fidéles. Telles étoient Paule & Eustochie à qui saint Jerôme écrivoit souvent. Depuis la fin du VI siécle seulement, comme nous venons de dire, on commença de bâtir des abbayes de filles, & ou croit que celle de Jouare en France est une des plus anciennes ; qu’elle fut fondée au commencement du septiéme siécle, & que sa premiere abbesse fut Thelechilde, sous laquelle vécut long-temps sainte Bertille, premiere abbesse de Chelles. On a donné des abbayes aux femmes mariées, comme l’a remarqué Christophe Justel, dans son histoire de la maison d’Auvergne, l. 1, c. 6. Il en produit pour preuve une charte du monastere de Brioude de l’année 879. « Comme les seigneurs, dit-il, prenoient alors le nom des bénéfices ecclésiastiques dont ils jouissoient par bénéfice des rois, & se disoient abbés, abbates laici, abbates milites, abbatioli, abbatiarii, quoiqu’ils n’en eussent pas le titre, ains la seule jouissance du revenu ; & comme ceux qui avoient la dignité de comtes étoient quelquefois appellés abbicomites, dont l’histoire fournit plusieurs exemples, les bénéfices se bailloient aussi aux femmes mariées. Alpaïs, femme de Begon comte, fut abbesse de saint Pierre de Reims : Thietberge, femme de Lothaire, abesse d’Avenai l’an 864 ; Berthe, belle-mere d’Othon premier, abbesse de Merenstein, l’an 952 ; Rhotilde, belle-mere de Hugues le Grand, abbesse de Chelles ; Ogine, mere de Louis IV, & Gerberge sa femme, abbesses de sainte Marie de Laon. » voyez le titre d’ABBÉ & de FRANCE.

ABBAYE BLANCHE, fameux monastere dans l’isle de Marmoutier, près des côtes de Poitou : il y a un autre monastere de ce nom, lès Quimperlai en Bretagne, dans le diocèse de Vannes ; il appartient à l’Ordre des freres prêcheurs, & étoit occupé auparavant par des moines de Cîteaux. Il est ainsi nommé par opposition à un monastere de bénédictins qui en est proche, de l’autre côté de la riviere, dans le diocèse de Cornouaille, & appellé communément l’ABBAYE NOIRE. Ce qui est venu apparemment de la différence de couleurs des habits des moines. * Davity, tome I.

ABBÉ. Nous avons déja remarqué que le nom d’abbé vient du mot hébreu ab, qui signifie pere, & du chaldéen & du syriac abba, qui a la même signification : il a été donné particulierement aux chefs des communautés de moines, que les Grecs ont aussi appellés archimandrites. Ces anciens abbés étoient des moines qui avoient établi des monasteres qu’ils gouvernoient, comme ont fait saint Antoine & saint Pacôme, ou qui avoient été préposés par les instituteurs de la vie monastique dans un pays, ou enfin qui étoient choisis par les moines d’un monastere. Ces abbés & leurs monasteres, suivant la disposition du concile de Calcédoine, étoient fournis aux évêques, tant en Orient qu’en Occident. A l’égard de l’Orient, le quatriéme canon de ce concile en fait une loi ; & en Occident, le canon 21 du I concile d’Orléans, le 19 du concile d’Epaone, le 22 du II concile d’Orléans, les capitulaires de Charlemagne, & le canon monatieria 18. quœst. 2. Mais tous ces canons n’empêcherent pas qu’il n’y eût dès-lors des monasteres exempts de la jurisdiction des Ordinaires ; & il paroît par le concile de Carthage, tenu l’an 525 sous l’archevêque Boniface, qu’en Afrique le fondateur d’un monastere, s’il n’étoit pas dans les ordres sacrés, pouvoit le soumettre à l’archevêque de Carthage, ou à tel autre d’Afrique qu’il jugeoit à propos, malgré l’opposition de l’évêque diocésain. Le concile d’Arles de l’an 455 confirma aussi le monastere de Lerins dans l’exemption de la jurisdiction de l’évêque de Fréjus. Depuis ce temps-là quelques abbés ont obtenu des exemptions des Ordinaires pour eux & pour leurs abbayes. Ordinairement ce privilége leur étoit accordé du consentement des évêques, à la priere des rois ou des fondateurs. Les abbés ont eu séance dans les conciles après les évêques. Quelques-uns ont obtenu la permission de porter la crosse & la mitre : il y en a même qui ont prétendu avoir une jurisdiction épiscopale ; quelques-uns ont eu le droit de donner non-seulement la tonsure, mais aussi les ordres mineurs. Innocent VIII a même, à ce qu’on prétend, accordé à l’abbé de Cîteaux le pouvoir d’ordonner des diacres & des soudiacres, & de faire diverses bénédictions, comme celles des abbesses, des autels, des calices, &c.

Les biens des monasteres étant devenus considérables, exciterent la cupidité des séculiers pour les envahir. Dès le V siécle en Italie & en France, les rois s’en emparerent ou en gratifierent ceux qui leur rendoient service. Les papes & les évêques eurent beau s’y opposer, cette licence dura jusqu’au regne de Dagoberg, qui fut