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consume tous les corps : car Κρόνος signifie chez les Grecs Saturne, & χρόνος signifie le temps. Chez les Latins le temps est aussi appellé Saturnus, parceque comme dit Ciceron, Saturnus annis, il se rassasie d’années, ou bien de ses propres enfans, qui sont toutes les choses que le temps produit & consume. Lactance dit que cette pierre étoit le Dieu Terminus : ce qu’Hesychius dit aussi ; selon Lactance, le Dieu Terminus est le même que Jupiter. Pausanias dit que la pierre ab-addir étoit gardée dans le temple qu’Apollon avoit à Delphes.

Priscien, & Isidore dans ses gloses, font mention d’ab-addir ; & Papias, dans son glossaire, témoigne que ce terme de mythologie a autrefois signifié Dieu, puisqu’ab-addir veut autant dire que pater magnificus. C’est pourquoi S. Augustin écrivant à Maxime de Madaure, dit que les Carthaginois avoient des dieux nommés ab-addirs, & leurs prêtres euccaddires : In sacerdotibus euccaddires & in numinibus ab-addires. Ansi les dieux ab-addires des Carthaginois étoient sans doute ceux que les Grecs & les Latins nommerent autrefois magnos, potentes, selectos deos * Cicer. de natura deor. l. 2, n. 64. Priscian, lib. 1, & 7. Lactant. Firmian. de fals. relig. l. 1, c. 11. Cartari, de imag. deor. &c.. Bochart, in-Chanaan, lib. 2. Paus. in Phoc. M. le Clerc.

ABADDON, nom que saint Jean dans son Apocalypse donne au roi des sauterelles, ange de l’abyme, & qu’il explique par le mot grec Ἀπολλύων (c’est-a-dire, qui fait périr) en latin exterminans, qui signifie exterminateur. Ce roi ange est la figure de satan ou du démon. * S. Jean, Apoc. c. 9, v. 11.

ABADI ou EBN-AL-ABADI, fut auteur d’un livre arabe, intitulé Aacab Alketab, où il est traité des différens degrés de peines dont les pécheurs sont menacés dans l’Alcoran. * D’Herbelot, bibl. orient.

ABAELARD, cherchez ABAILARD.

ABAFFI, ou APAFFI, (Michel I) prince de Transilvanie. Le comte Jean Bethlen, qui avoit été chancelier de Transilvanie sous le gouvernement de ce prince, dit dans son histoire de cette contrée en allemand, intitulée La Transilvanie opprimée, qu’Abaffi étoit d’une famille très-distinguée, & d’une des plus ancienne noblesse de ce royaume. Son pere George Abaffi avoit été conseiller de Gabriel Bethlen, prince de Transilvanie. Ali Bassa, qui commandoit en chef l’armée turque l’an 1661, sentant qu’il étoit trop foible pour soutenir les Transilvains contre les entreprises de Jean Kimin, que les habitans avoient élu pour leur prince ; craignant d’ailleurs que Kimin ne tentât de rentrer dans le royaume, qu’il avoit été forcé d’abandonner, il forma le dessein d’élire, conjointement avec les villes de la Transilvanie qui lui étoient sujettes, un prince qui fut sous la protection de la Porte ottomane. Il comptoit par-là affoiblir ôc diviser le parti de Kimin. Ayant fait part de son dessein, & demandé un sujet capable aux députés des villes de Transilvanie, ils lui indiquerent Michel Abaffi. Il étoit dans son château d’Ebestwalve, où il achevoit de se remettre des incommodités qu’il avoit souffertes chez les Tartares qui l’avoient fait prisonnier de guerre, & dont il ne s’étoit délivré que par une grosse rançon, lorsque les cavaliers envoyés pour l’escorter, vinrent le chercher au nom d’Ali Bassa. Cette mission, du sujet de laquelle on ne lui rendoit point compte, l’effraya d’abord, & il crut qu’une mort certaine l’attendoit. Il fut détrompé lorsqu’il vit le rang auquel on vouloit l’élever. Ali Bassa lui ayant donc conféré la principauté de Transilvanie, Kimin, quoique soutenu du comte de Montecuculli & de nouvelles forces de l’empereur, ne put plus rentrer dans ses états ; il fut même tué dans une bataille que les Turcs gagnerent l’année suivante 1662, le 23 janvier, près de Schesbourg en Transilvanie. Abaffi fut dans la suite contraint d’unir ses forces à celles de la Porte, pour chasser les Impériaux des places qu’ils avoient conquises dans ses états. La même année il fit le siége de Clausenbourg, mais il fut obligé de le lever, cette place s’étant bien défendue sous la conduite d’un habile ingénieur Vénitien, nommé David Rettan. En 1663 il y eut une nouvelle guerre où les Turcs eurent l’avantage. Mais en 1664, la bataille qu’ils perdirent près S. Gothard, obligea le grand visir à faire avec l’empereur des Romains une trève de 20 ans. La même année, Abaffi recouvra Zeckelheit, Clausenbourg & Zatmar. Durant la trève il régna sous la protection de la Porte ottomane, sans aucune dépendance de la cour de Vienne. Pendant les troubles élevés en Hongrie il se montra favorable aux mécontens qui combattoient, disoient-ils, pour cause de religion ; il leur fit de grandes avances, sans rompre cependant ouvertement avec l’empereur. Ce ne fut qu’en 1681, qu’il lui déclara la guerre, & il tâcha alors de justifier sa conduite par un manifeste latin qu’il adressa à tous les princes chrétiens. Les Turcs rompirent pareillement avec l’empereur, & ayant pénétré en 1683 en Hongrie avec une puissante armée, ils s’avancerent jusqu’aux portes de Vienne. Mais les pertes multipliées qu’ils essuyerent, & qui suivirent de fort près ce premier succès, obligerent la Transilvanie à recourir en 1687 à la protection de l’empereur. Clausenbourg ouvrit ses portes aux Impériaux, à condition qu’on laisseroit aux habitans pleine liberté d’exercer la religion qu’ils professoient, & qu’on leur conserveroit leurs priviléges. Les villes de Weissembourg, Hermanstadt, Bistriz & autres, imiterent l’exemple de Clausenbourg. Alors le prince Abaffi & les principaux de sa domination firent avec le duc de Lorraine, généralissime de l’armée impériale, un traité compris en dix articles, dont l’un portoit que le prince Abaffi, & son fils aîné, déjà déclaré son successeur, conserveroient & exerceroient suivant les coutumes & les loix du pays, l’autorité que la Porte ottomane & les principaux de Transilvanie leur avoient confiée. Par un autre article, on permettoit un libre exercice aux quatre religions tolérées en Transilvanie, la réformée, la luthérienne, la catholique, & la socinienne. En 1688 la Porte envoya au prince Abaffi un chiaoux pour l’engager à rompre de nouveau avec l’empereur ; mais ayant vu que toutes les promesses du chiaoux se réduisoient aux paroles, il refusa de se rendre aux propositions qu’on lui faisoit. Il mourut dans sa résidence de Weissembourg, aujourd’hui Carlsbourg, au mois d’avril 1690, dans la cinquante-huitiéme année de son âge. Ce prince aimoit les lettres & les savans : il savoit plusieurs langues, & entendoit entr’autres & parloit bien la latine. Il avoit épousé Anne Bornemicza, dont les historiens louent les bonnes qualités.

ABAFFI, ou APAFFI, (Michel II) dernier prince de Transilvanie, fils du précédent, né l’an 1677, fut reconnu par l’empereur, après la mort de son pere, pour héritier légitime de sa couronne, & on lui donna des tuteurs à cause de sa minorité. L’empereur Turc avoit nommé pendant ce temps-là à la principauté de Transilvanie, Emeric Techeli ou Tekeli, comte Hongrois, lequel entra en Transilvanie l’an 1690 même, avec une armée de seize mille hommes, battit & fit prisonnier le général Heusler par qui le défunt, en mourant, avoit fait recommander à l’empereur sa famille & ses états, & s’empara de beaucoup de places. Mais l’empereur ayant envoyé des troupes au secours du jeune Abaffi, Tekeli fut contraint de rendre ce qu’il avoit pris, & d’abandonner la Transilvanie. Au mois de juillet 1694. Abaffi épousa Catherine, fille de George Bethlen, comte de Transilvanie. Mais ce mariage s’étant fait contre la volonté de l’empereur, Abaffi fut mandé à Vienne, & contraint de céder à l’empereur Léopold son droit à la principauté de Transilvanie, moyennant quinze mille florins de pension annuelle, & le titre de prince du saint Empire. Depuis ce temps--