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PRÉFACE

DES ÉDITIONS DE MDCCXXV, ET DE MDCCXXXII.


LUtilité du Dictionnaire historique de Moréri est si connue présentement, qu’on croit pouvoir se dispenser d’en parler. On se contentera de décrire ici le plan qu’on s’est proposé de suivre pour le conduire dans cette nouvelle édition le plus près qu’il est possible de sa perfection.

La derniere édition qui parut en 1718, est certainement la meilleure & la plus ample de toutes. Cependant comme il s’y est encore glissé une infinité de fautes, & qu’il y est relié plusieurs articles défectueux, voici comme on s’y est pris pour les corriger.

La Chronologie a d’abord attiré toute l’attention des réviseurs. Ils ont reconnu qu’on avoit eu dessein de suivre celle d’Ussérius & qu’on l’avoit suivie en effet presque par-tout ; mais comme on avoit laissé en plusieurs endroits des dates qui ne s’y accordoient pas, ils ont cru devoir refondre toute cette partie sur un systême qui leur est propre, & ils l’ont fait avec toute l’exactitude possible.

L’idée d’un nouveau systême ne doit effrayer personne. On ne s’y est point livré à des soupçons injurieux aux anciens historiens : l’étude qu’on en a faite, a engagé seulement à mettre une différence entre eux, & à respecter l’autorité des uns plutôt que celle des autres. On les a conciliés avec l’écriture- sainte, & on a eu le bonheur de se rencontrer sur chaque point avec quelqu’un de ceux d’entre les modernes qui ont acquis le plus de réputation dans ce genre de littérature. La version Vulgate est le fonds de la nouvelle chronologie, qui s’écarte peu de celle d’Ussérius.

On a coutume de partager tout le temps qui précéde l’ére chrétienne en six âges, qui se terminent tous à une époque célébre.

Le premier âge, dont le déluge universel est le terme, n’est pas sujet à contestation ; mais le second, qui comprend tout le temps écoulé depuis le déluge jusqu’au temps qu’Abraham entra dans le pays de Chanaan, souffre plus d’une difficulté. On a cru trouver plus de solidité dans les opinions du P. Labbe & de plusieurs autres savans, que dans celles d’Ussérius & du P. Pétau ; c’est-à-dire qu’en admettant entre les patriarches de ce second âge le jeune Caïnan reconnu par saint Luc, malgré l’opinion d’Ussérius, & croyant, malgré celle du P. Pétau, que l’écriture assure expressément qu’Abraham étoit âgé de soixante-quinze ans quand Tharé son pere mourut ; on a compté quatre cens cinquante-sept ans pour cet espace de temps.

Le troisiéme âge, qui finit à l’année où les Israélites sortirent d’Egypte, est de quatre cens trente ans, du consentement de tous les Chronologistes qui s’attachent au texte hébreu ou à la Vulgate.

A l’égard du quatriéme âge, comme la plupart d’entr’eux s’accordent aussi à compter quatre cens soixante dix-neuf ans jusqu’à la quatriéme année du regne de Salomon, on les a suivis d’autant plus volontiers que l’écriture ne paroît pas permettre de douter de la vérité de ce qu’ils assurent. On a cru aussi que le public, satisfait de la maniere dont Ussérius a disposé les années des Juges des Israélites, seroit bien aise de la retrouver dans cette nouvelle édition, exécutée avec plus de soin que dans les précédentes.

Il ne reste plus que le cinquiéme âge ; qui s’étend jusqu’au retour des Juifs de la captivité de Babylonne ; car celui qui le suit jusqu’à Jesus-Chrit est incontestablement de cinq cens trente-huit ans. Après avoir compté avec l’écriture même trois cens quatre-vingt-dix ans depuis la mort de Salomon jusqu’à la destruction du royaume de Juda, & après avoir employé les expédiens que le P. Pétau a proposés pour concilier les livres des Rois avec ceux des Paralipoménes, on a fixé comme lui, & comme Ussérius, le commencement des soixante-dix années de captivité, à la quatriéme année de Joakim & on a compté quatre cens soixante-seize ans pour la durée de cet âge. De sorte que la premiere année de l’ére chrétienne est suivant le nouveau systême, la 4035 du monde.

Ce systéme a plusieurs avantages, & principalement celui de vérifier ce qui a été assuré par un bon auteur, que Callisthènes trouva à Babylone des observations de mille neuf cens trois ans. On y a ajusté ce qu’on peut dire de plus certain de l’empire des Assyriens & de celui des Médes, avec plus de succès que n’avoit fait Ussérius, dans lequel on a observé une erreur de calcul, qui détruit tout ce qu’il avoit imaginé de la durée & des révolutions de ces deux empires.

L’antiquité grecque n’a pas été négligée dans ce travail. L’époque de la prise de Troye