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PRÉFACE

DE L’ÉDITION DE MDCCXVIII.


L’Art de disposer les faits historiques suivant l’ordre alphabétique, est le moyen le plus commode pour faciliter aux hommes la connoissance de l’Histoire. Toute autre méthode est sujette à des recherches difficiles & ennuyeuses. Si l’on suit l’ordre chronologique, il sera nécessaire, quand on voudra être éclairci de quelque fait, ou de la vie de quelque homme illustre, de savoir auparavant le temps dans lequel ce fait est arrivé, & le siécle dans lequel cet homme a vécu. On n’a pas toujours ces époques présentes & c’est souvent ce qu’on cherche. Il en est de même dans la Géographie. Voulez-vous savoir en quel pays une ville. est située ? Il vous faudra parcourir tout le monde, si vous n’avez un Dictionnaire, où vous puissiez trouver son nom sans peine, & qui vous indique en même temps la situation de cette ville, & les circonstances les plus remarquables pour vous la faire connoître.

Cependant, cet art si commode & si utile a été long-tems ignoré, non seulement pour ce qui regarde l’Histoire, mais aussi pour la Grammaire. Ce sont les Grammairiens qui l’ont mis les premiers en usage, pour chercher les mots. Phrynicus & Julius Pollux, qui vivoient sous l’empire de Commode, s’en sont servis, & après eux Hésychius d’Alexandrie, Erotien & Harpocration. Etienne de Byzance qui vivoit avant l’empire de Justinien, employa cette méthode pour donner une Géographie des peuples & des villes, qui fut abrégée sous le regne de Justinien par Hermolaüs. Suidas, qui vivoit long-temps après, sous le regne d’Alexis Comnéne, dans l’onziéme siécle, ayant entrepris de faire une compilation de plusieurs dictionnaires dont il a nommé les auteurs à la tête de son ouvrage, ajouta aux interprétations des mots, la vie des savans & des princes, & divers points d’Histoire : ensorte que l’on peut regarder son ouvrage comme le premier Dictionnaire historique, mais fort imparfait. Son exemple a été long-temps sans être suivi ; & ce n’est que dans le siécle passé que l’on a fait revivre cette méthode, de rapporter l’histoire, les vies des empereurs, des rois, des, auteurs, des hommes illustres, les faits remarquables, la fable, les peuples & les villes, dans l’ordre alphabétique. C’est ce qu’entreprit le premier Charles Etienne, dans son Dictionnaire latin historique, géographique & poëtique, sur les mémoires de Robert Etienne, imprimé pour la premiere fois l’an 1566, & depuis en 1621 & en 1638. Ce Dictionnaire, tout imparfait qu’il est, n’a pas laissé d’être d’un grand usage. L’an 1670, Nicolas Lloyd, Anglois, l’augmenta, le perfectiona, & le fit imprimer à Oxford. On peut dire que cet Ouvrage est le premier des Dictionnaires historiques qui soit parvenu à quelque degré de perfection ; car celui de Juigné, qui avoit été imprimé à Paris dès l’an 1664, & dont il se fit huit éditions jusqu’en 1672, n’est presque qu’une traduction françoise de celui de Charles Etienne. Le Dictionnaire de Lloyd, auquel il avoit travaillé près de trente ans avec soin, fut bien reçu du Public, qui devoit avoir obligation à un homme d’avoir consacré la plus grande partie de sa vie à ramasser des faits historiques pour les exposer dans une méthode facile à tous ceux qui vouloient s’en instruire. Ce fut sur le plan de Lloyd, que M. Moréri travailla à son Dictionnaire historique, dont il donna la premiere édition à Lyon en un volume in-fol. l’an 1674. Quelque temps après, Moréri entreprit une seconde édition beaucoup plus ample, qui fut commencée à Lyon l’an 1681. Mais il mourut avant qu’elle fut achevée. Moréri ayant été précepteur des enfans de M. de Pomponne, ministre & secrétaire d’état, le sieur Parayre, premier commis de ce ministre, prit soin de faire achever l’impression du second volume, qui n’est pas à beaucoup près si rempli que le premier, & il dédia ces deux volumes au roi, en son nom.

Comme les Dictionnaires ne sont jamais parfaits, & qu’il est presque impossible qu’on n’y omette beaucoup de choses, on fit travailler à un Supplément, qui composa un troisiéme Volume, imprimé à Paris, l’an 1689. Il se fit aussitôt en Hollande plusieurs éditions du Dictionnaire historique, dans lesquelles on inséra le Supplément, en mettant chaque article à son rang, avec beaucoup d’additions, dans les éditions de 1696, 1698 & 1702, en quatre volumes in-fol. Le sieur Bayle, recommandable dans la république des lettres, par son érudition, & par sa maniere agréable d’écrire, entreprit de son côté un Dictionnaire, pour servir de Supplément & de correction à celui de Moréri. La premiere édition de ce Dictionnaire est de l’an 1697, & la seconde plus ample, de 1702. Jean-Jacques Hofman, professeur à Basle, donna vers l’an 1680, un Lexicon universel, auquel il fit depuis des additions, & qui a été imprimé en Hollande l’an 1698 : édition dans laquelle on a fondu les Dictionnaires historiques & le Glossaire de Ducange. Cependant on fit travailler à Paris à une nouvelle édition du Dictionnaire de Moréri, qui fut achevée l’an 1699. Voici de quelle maniere l’auteur de cette édition s’explique dans sa Préface.