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va par tout qu’une conſternation générale, qui ayant fait tomber les armes des mains à un chacun, lui fit ouvrir les portes de toutes les Villes, & le rendit maître du Languedoc, du Querci, du Gevaudan, de l’Auvergne, du Poitou & de toutes les Provinces voiſines. Ces heureux ſuccès lui donnerent la liberté de faire toute ſorte de crimes, & la hardieſſe de tout oſer. Ce fut alors que Charles Martel voulant s’oppoſer à ce torrent de Barbares, mit ce qu’il pût trouver à la hâte de troupes en campagne, & fut attaquer cet ennemi inſolent, à qui la force de ſon armée faiſoit eſperer une victoire aſſurée. La bataille ſe donna près de Tours, dans une campagne, qui eſt entre les rivieres de Cher & de Loire, & elle a depuis eu le nom de S. Martin le Beau ou de bello. Abderame y perdit la vie avec trois cens ſoixante quinze mille des ſiens. Les modernes n'en mettent que ſoixante quinze mille. Charles ne perdit que quinze cens hommes, au commencement de la bataille. Elle ſe donna l’an 732. * Fredegaire, append. ad Greg. Turon. li. 10. c. 108. & 109. Sigebert, Anaſtaſe, les Annales de Mets, Baronius, &c.

ABDERE, ville maritime de Thrace, fut bâtie par les Teïens ſelon Herodote, li. 1. & porta le nom de la ſœur de Diomede, qui en étoit le Roi. Quelques autres croyent qu’elle fut ainſi nommée d’Abder, compagnon ou ſerviteur d’Hercule, qui la bâtit. Quoi qu’il en ſoit, il eſt ſûr que ceux de Clazomene, chaſſez de l’Aſie, lui donnerent cet éclat, qui la rendit ſi celebre, & qui donna l’occaſion à ce proverbe des Grecs, Abdere la belle. C’eſt de ces derniers habitans qu’elle eut le nom de Clazomene, & elle porta depuis celui de Polyſtile, ſelon Sophien, ou, comme diſent d’autres, Aſtrizze, & aujourd’hui celui d’Aſperoſa. Les Anciens ont parlé d’une campagne voiſine de cette ville, dont les herbes donnoient la rage aux chevaux qu’on y nourriſſoit. Ils font auſſi ſouvent mention de cette ville ; & la fureur des habitans, que j’expliquerai dans la ſuite, a donné lieu à cet autre proverbe, Abderitica mens. Cette ville fut depuis Epiſcopale, ſous la Métropole de Philippopolis. Juſtin rapporte une choſe tout-à-fait ſurprenante des habitans de cette contrée de la Thrace, où la ville d’Abdere étoit bâtie : Savoir qu’ils furent ſi extraordinairement tourmentez des rats & des grenouilles, qu’ils ſe virent contraints d’aller chercher une autre demeure dans la Macedoine, où Caſſander les reçût l’an 3650. du Monde, ſelon la Chronologie d’Euſebe. Cœlius Rhodiginus, dans ſes Anciennes Leçons, ajoûte qu’ils furent attaquez d’une fiévre chaude ſi violente, qu’ils en devinrent quaſi tous inſenſez & mouroient ſur les theatres, repréſentans des Tragedies, & ſur tout l’Andromede d’Euripide. Arrian parle des conquêtes d’Alexandre le Grand, dans la contrée d’Abdere. * Stephanus, Abder. Pline, li. 4. c. 11. Pomponius Mela, li. 2. Juſtin. li. 15. c. 20. Cœlius Rhodiginus, li. 30. c. 4. Arrian, li. 1. &c. [Au lieu de citer Cœlius Rhodiginus, qui n’eſt qu’un compilateur moderne, il auroit fallu citer Lucien, qui rapporte autrement l’Hiſtoire de la fureur des Abderites, qui ne fut qu’une maladie épidemique de quelques mois. Voyez le commencement du livre, Comment il faut écrire l’Hiſtoire, dans le 1. Tome de Lucien. M. Bayle, a raiſon de dire 1. qu’il falloit commencer cet article, par dire qu’Abdere porta le nom de la ſœur de Diomede : 2. que les Clazomeniens la rebâtirent, mais qu’ils ne furent pas chaſſez de l’Aſie : 3. que les Teïens l’embellirent en ſuite, & donnerent lieu au proverbe : 4. que Moreri cite mal à propos Euſebe, touchant un fait dont il ne dit rien : 5. qu’il y a apparence que le ſecond Proverbe doit ſon origine à quelque autre choſe. Voyez ce qu’il en dit. Le reſte de ſes remarques ne regarde pas les Editions de Hollande.]

ABDEST : les Turcs nomment ainſi la manière dont ils ſe lavent, avant que de commencer leurs ceremonies. Ce mot eſt compoſé d’Ab, qui ſignifie de l’eau ; & deſt, la main. Les Perſes, dit Olearius, paſſent la main mouillée deux fois ſur leur tête, depuis le cou juſques au front, & enſuite ſur les piés juſques aux chevilles. Mais les Turcs verſent de l’eau ſur leur tête, & ſe lavent les piés trois fois. Si neanmoins ils ſe ſont lavez les piés le matin, avant que de mettre leurs bas, ils ſe contentent de mouiller la main, & de la paſſer par deſſus leurs chauſſures depuis les orteils juſques à la cheville du pié. * Ricaut, de l’Empire Ottoman. SUP.

ABDI, fils de Maloch dont il eſt parlé dans le 1. Livre des Paralipomenes, & dans le ſecond il y eſt fait mention d’un autre, pere de Cis Levite. Il y en a encore eu un autre de ce nom fils d’Elan. * 1. des Paralipomenes, c. 6. 11. c. 29. II. d’Eſdras, c. 10.

ABDIAS, Prophete, dont le nom ſignifie ſerviteur du Seigneur, & le quatriéme en nombre de ceux qu’on appelle les petits Prophetes. Quelques Auteurs ont eſtimé qu’il eſt ce même Abdias, Intendant de la Maiſon d’Achab, qui cacha les Prophetes, que Jezabel vouloit faire mourir. L’Auteur du Livre intitulé de vitis Prophetarum, qu’on attribue à ſaint Epiphane, aſſure qu’Abdias eſt ce Capitaine, à qui Ochoſias commanda de ſe ſaiſir d’Elie. D'autres ſoûtiennent, que le Prophete dont je parle avoit été le mari de cette veuve qu’Eliſée délivra de la pourſuite de ſes créanciers, en multipliant le peu d’huile qui lui reſtoit. Saint Jerôme s’inſcrit en faux contre ces opinions diifferentes, & nous apprend qu’Abdias vivoit avec Oſée, ſous les regnes d’Ozias, de Joatham, d’Achaz & d’Ezechias Rois de Juda ; & lorſque Jeroboam regnoit en Iſraël. Il a prédit la ruine des Iduméens, qui s’étoient aſſociez avec ceux de Chaldée, pour faire la guerre aux Iſraëlites. Cependant il ne faut pas le confondre, comme d'autres ont déja fait, ni avec Abdias pere de Jeſmaje, dont il eſt parlé dans le premier Livre des Paralipomenes ; ni avec un autre de ce nom, qui étoit Levite & Intendant du Temple. *III. Des Rois, 'c. 18. IV. c. 1. & 4. 1. des Paralip. c. 27. II. c. 34. Saint Jerôme, in. c. I. Abd.Torniel, A.M. 3238. &c.

ABDIAS, de Babylone, ainſi nommé, parce qu’on croit qu’il fut Evêque de cette ville, avoit été diſciple du Fils de Dieu. On lui attribue la vie des Apôtres, qui eſt un Ouvrage que le Pape Gelaſe rejetta comme apocryphe, & qui eſt dans le fond une fable. Il eſt diviſé en X. Livres. On dit qu’Eutrope les traduiſit d’Hebreu en Grec, & que Jule Africain les mit en Latin. Wolfgangus Lazius les publia à Bâle en 1551. Laurent de la Barre en 1581. & depuis on les a mis dans la Bibliotheque des Peres. * Conſultez Sixte de Sienne, Jean Heſſelius, Jean Molan, Baronius, Bellarmin, Le Mire, Poſſevin, Voſſius, &c. [Mr. Bayle reprend Moreri d’avoir avancé que le Pape Gelaſe rejetta Abdias, & dit que ce fut Paul IV. On peut neanmoins dire que Gelaſe le rejetta, parce qu’il ne le rangea point au nombre des livres Canoniques, dans ſon Decret de l'an 494.]

[ABDIESU. Il y a eu deux Martyrs Perſans de ce nom, qui ont ſouffert au IV. ſiecle. Sozomene Liv. II. c. 12.]

ABDIMONEPH, Marchand dont Mahomet fut eſclave. Cherchez Abdemeneph. SUP.

ABDISSI, Patriarche de la ville de Muzal dans l’Aſſyrie Orientale, étoit fils de Jean de la Maiſon de Marc de la ville de Geſire ſur le Tigre, & ſon mérite l’éleva à la dignité de Patriarche, dont il fit profeſſion à Rome, par un Trucheman, en venant ſaluer le Pape à ſaint Pierre. Ce fut le ſeptiéme Mars de l’an 1562. Abdiſſi ſe trouva au Concile de Trente, & y préſenta ſa confeſſion ou profeſſion de Foi dans la Seſſion XXII. On dit que c’étoit le plus grand Patriarche de tous les Orientaux, qui ſont au delà de l’Euphrate, parce que ſa juriſdiction s’étend juſque dans les Indes. Il répondoit fort bien aux queſtions les plus difficiles, ſur leſquelles on l’interrogeoit, & diſoit que ſes ancêtres avoient appris cette doctrine de S. Thomas & de S. Thadée & de leur diſciple S. Marc ; & qu’ils l’avoient obſervée juſques alors. *Sponde, de Thou, &c. [Il ſe nommoit plutôt Abdieſu, en Syriaque ſerviteur de Jeſus. Mr. Bayle reprend avec raiſon Moreri, de ce qu’il dit qu’Abdieſu ſe trouva au Concile de Trente, puiſque Sponde dit tout le contraire.]

ABDIU, natif de Lechtachamar, proche de Sichem, Capitaine de cinquante hommes, fut envoyé par Ochozias Roi d’Iſraël au Prophete Elie, qui voyant ſa ſoûmiſſion, ne fit point deſcendre le feu du Ciel pour le punir, comme il avoit fait ſur les deux autres Capitaines qui étoient venus avec leur Compagnie avant lui. Abdiu reconnoiſſant la ſainteté d’Elie, quitta le ſervice du Roi, & ſervit le Prophete. * Ancien Teſtam. 4. liv. des Rois, c. 1. SUP.

[L’Auteur de cet Article auroit bien fait de marquer d’où il a tiré le nom d’Abdiu ; car il n’eſt point dans l’endroit des Rois, qu’il cite ni dans Joſeph.]

ABDOLONYME, Sidonien de ſang Royal, étoit tombé dans une ſi exceſſive pauvreté, qu’il étoit contraint, pour vivre, de travailler à la journée, en un jardin des fauxbourgs de Sidon. Alexandre le Grand ayant chaſſé de cette ville Straton, qui étoit partiſan de Darius, éleva Abdolonyme ſur le throne ; & comme ſes envieux blâmoient le choix, qu’il avoit fait, il fit venir le nouveau Roi en ſa préſence, & ayant admiré ſa bonne mine, il lui demanda avec quelle patience il avoit ſupporté la miſere. A quoi il répondit, qu’il prioit le Ciel qu’il pût ſupporter de la même façon la grandeur : Que du reſte, ſes bras avoient fourni à tous ſes deſirs ; & qu’il n’avait jamais manqué de rien, tant qu’il n’avoit rien poſſedé. Cette reponſe fit concevoir à Alexandre une ſi grande eſtime de ſa vertu, qu’il lui fit donner non ſeulement les meubles precieux que poſſedoit Straton, mais encore une partie du butin qu’il avoit fait ſur les Perſes, ajoûtant même une des contrées voiſines à ſon Etat. * Quinte Curſe, l. 4.

ABDON, fils d’Hillel, natif de Pharathon dans la Tribu d’Ephraïm, fut le douziéme Juge des Iſraëlites, qu’il gouverna huit ans. Nous ne trouvons rien de remarquable de lui, ſinon qu’il avoit quarante fils, & trente petits-fils. Il mourut l’an du Monde 2879. & fut enterré dans la ville de ſa naiſſance, ſur le mont Amelec. * Juges, 12. Joſeph, l. 5. des Antiquites. Torniel, A.M. 2872. & 2879.

ABDON, fils de Micha, dont il eſt parlé dans les Paralipomenes. Il y a eu une ville de ce nom dans la Tribu d’Aſer deſtinée pour les Levites. * Joſué, 12. Paralipomenes, 34.

ABDON, quelques Auteurs eſtiment que c’eſt le nom de cet homme de Dieu, dont il eſt parlé dans le troiſiéme livre des Rois, lequel menaça de mort Jeroboam qui ſacrifioit aux Idoles à Bethel & qui fut devoré par un lion pour s’être arrêté avec un faux Prophete, contre les ordres du Seigneur. * III. des Rois, c. 13. S. Jerôme, de loc. Hebr.

ABDON & SENNEN, Princes Perſans, ayant embraſſe le Chriſtianiſme, furent pris par les Officiers de l’Empereur Decius, pour avoir fait enſevelir les corps de quelques Martyrs. Cet Empereur les fit conduire à Rome, avec pluſieurs autres Seigneurs Perſans, pour y accompagner ſon triomphe, l’an 254. Après cela il leur commanda de ſacrifier aux Idoles, & n’ayant pu les faire conſentir à cette impieté, il les condamna à être expoſez dans l’Amphitheatre aux Ours & aux Lions : mais ces bêtes farouches n’oſerent les toucher ; ce qu’il attribua à l’Art magique. Alors il les fit tuer ſur le champ, & ordonna que leurs corps demeuraſſent trois jours ſans fepulture, pour épouvanter les Chrétiens. Un Soûdiacre, nommé Quirin, les enleva de nuit, & ils furent trouvez ſous l’Empire de Conſtantin le Grand, au commencement du IV. Siecle. *Uſuard, in Martyrol. SUP.

ABDUA, Riviere. Cherchez Adda.

ABDULA, Kan desTartares, vivoit ſur la fin du XVI. Siecle, il ravagea toute la frontiere de Perſe, s’empara d’Heri, & de trente-deux autres villes du Coraçan, entre leſquelles fut Mazed. Il prit pourtant la fuite, ſachant la venue de Cha Abas Sophi de Perſe ; & depuis il revint avec deux cens mille Tartares & prit Turbeth, ne voulant jamais en venir à une bataille déciſive, à quoi le Perſan tâchoit de l’attirer ; mais Abdula répondit qu’il ne changeroit pas la coûtume de ſes Ancêtres. * Relation de Dom Juan de Perſia.

ABDULACH, Roi de Fez, de la famille des Merinis, qui étoit très illuſtre parmi les Maures, vivoit dans le XIII. Siécle, & après avoir pris quelques villes du Royaume de Tremecen, il ſe rendit maître abſolu de celui de Fez ; & environ l’année 1210. il mit la Royauté dans ſa Maiſon & étendit bien avant les bornes de ſon Empire. Il y a eu pluſieurs Princes de cette famille. Un autre Ab-

dulach,