loïſe y vécut ſaintement, & elle reçût de diverſes perſonnes de conſideration des bienfaits, qui enrichirent ſon Abbaye. C’eſt ce qu’Abaillard a ecrit dans la premiere de ſes Lettres. Plus uno anno, dit-il, in terrenis commodis ſunt multiplicatae, quam ego per centum, ſi ibi permanſiſſem. Il ajoûte que la vertu d’Heloïſe lui fit des protecteurs ſi illuſtres, que les Evêques la conſideroient comme leur fille, les Abbez comme leur ſœur, les Laïques comme leur mere ; & que tous admiroient ſa prudence, ſa douceur & ſa pieté. Tantam autem gratiam in oculis omnium illi ſorori noſtre, que ceteris preerat, Dominus annuit, ut eam Epiſcopi quaſi filiam, Abbates quaſi ſororem, Laïci quaſi matrem diligerent ; & omnes ejus religionem, prudentiam, & in omnibus incomparabilem manſuetudinem admirabantur. Ces louanges ſont d’autant plus ſinceres, qu’Abaillard ne voyoit plus Heloïſe. Elle s’en plaignit par cette Lettre ſi éloquente & ſi ingenieuſe, qu’elle lui écrivit avec cette ſuſcription. Domino ſuo, imò patri : Conjugi ſuo, imò fratri : Ancilla ſua, imò filia : Ipſius uxor, imò ſoror Abaillardo. Ce grand homme établit alors avec elle ce commerce de Lettres ſaintes, où il lui donne une forme de vie religieuſe, & des avis ſalutaires ; & repond à toutes les difficultez, qu’elle avoit dans la lecture des Livres ſacrez. Cependant il écrivoit toûjours, & ſa grande réputation lui fit des envieux. A la verité Abaillard avoir un furieux entêtement pour ſa Dialectique, tirée des écrits d’Ariſtote. Il voulut l’introduire dans la Theologie, & ce deſſein le fit tomber dans quelques erreurs. Il en fut repris par S. Bernard, & condamné en 1140. au Concile que les Provinces de Reims & de Sens célebroient en la preſence du Roi Louïs le Jeune. Abaillard en appella au Pape, & en allant à Rome, il s’arrêta à Cluny, où il prit l’habit de Religieux. Pierre le Venerable, qui en étoit Abbé, le reçût avec bonté, & perſuadé de la ſoumiſſion de ſes ſentimens à ceux de l’Egliſe, voulut bien ſe declarer ſon garant & ſon protecteur. Et en effet Abaillard ſçachant que la veritable Philoſophie eſt d’être ſaint, il travailla tout de bon à le devenir. Ses grandes pénitences nuiſirent à ſa ſanté. Pierre le Venerable ne negligea rien pour la lui faire recouvrer, & croyant que l’air de Chalons ſur Saône lui ſeroit bon, il l’y envoya dans le Prieuré de ſaint Marcel, où il mourut, le vingt-un Avril de l’an 1143. âgé de ſoixante-trois ans. Le même Abbé aprit d’abord cette funeſte nouvelle à Heloïſe, à qui il donne de grands éloges, auſſi bien qu’à Abaillard. Elle demanda le corps de ce grand homme, que l’Abbé lui envoya, & elle le fit enterrer dans l’Egliſe du Paraclet, où l’on mit cette Epitaphe :
Petrus in hac petra latitat, quem mundus Homerum
Clamabat, ſed jam ſydera ſydus habent.
Sol erat hic Gallis, ſed eum jam fata tulerunt :
Ergo caret regio Gallica Sole ſuo.
Ille ſciens quidquid fuit ulli ſcibile, vicit
Artiſues, artes absque docente docens.
Undecime Man Petrum rapuere Calende,
Privantes Logices atria Rege ſuo.
Eſt ſatis : in tumulo Petrus hic jacet Abailardus,
Cui ſoli patuit ſcibile quidquid erat.
Cette Epitaphe eſt de la façon de Pierre le Venerable. Il compoſa encore celle-ci. Elle eſt un témoignage du reſpect qu’on avoit pour la memoire de ce grand homme, que de méchans eſprits ont voulu noircir par des contes fabuleux & criminels.
Gallorum Socrates, Plato maximus Heſperiarum
Noſter Ariſtoteles, Logicis (quicumque fuerunt)
Aut par aut melior ; ſtudiorum cognitus orbi
Princeps, ingenio varius, ſubtilis & acer,
Omnia vi ſuperans rationis & arte loquendi,
Abelardus erat. Sed nunc magis omnia vincit,
Cum Cluniatenſem Monachum, moremque profeſſus ;
Ad Chriſti veram tranſivit Philoſophiam,
In qua longeve bene complens ultima vite,
Philoſophis quandoque bonis ſe connumerandum
Spem dedit, undenas Maio renovante Calendas.
François d’Amboiſe Conſeiller d’Etat fit imprimer en 1616. en un Volume in 4. les Oeuvres d’Abaillard, qui contiennent ſes Epîtres, & celles d’Heloïſe, l’Hiſtoire de ſes malheurs avec les Notes d’André Du Cheſne. Des Commentaires ſur l’Epître de S. Paul aux Romains, &c. * S. Bernard, in Epiſt. Pierre de Cluny, li. 4. Epiſt. Vincent de Beauvais, Paul Emile, Du Haillan, Belletoreſt, Vignier, Geſner, Tritheme, &c. citez par François d’Amboiſe, in vita Abaill. Sainte
Marthe, T. IV. Gall. Chriſt. Louïs Jacob, de Script. Cabilon. Camuſat, in antiq. Tricaſſ. &c.
ABAIMBE, ABAIBE, ET ABIBE, ABAIBÆ, Montagnes de l’Amerique Meridionale, dans la Province de Carthagene, & près du Golphe d’Uraba.
ABANBO, que Ptolomée a nommé Astapus, & les Latins Abaneus ou Abanhus, eſt un fleuve de la haute Ethiopie, qui ſe jette dans le Nil un peu au deſſus de l’Iſle de Meroë. Ptolomée & Pline en font mention. Voyez auſſi Iſaac Voſſius dans ſon Traité de l’origine du Nil. [Il y a de l’apparence que l’Abanbo de notre Auteur eſt la même choſe qu’Abanwi, qui eſt le nom que les Ethiopiens donnent ordinairement au Nil, & qui ſignifie paternel. Pour Aſtapus, quelques Anciens croyoient que c’étoit un nom du Nil, & que l’on appelloit Aſtaboras le bras de ce fleuve, qui paſſe à la gauche de Meroë. Jobi Ludolf. Hiſt. Æth. Lib. I. c. 8.]
ABANCAY, fleuve du Perou, dans l’Amerique Meridionale. Il donne ſon nom au bourg d’Abançay, qu’il arroſe ; & il a ſa ſource près des Andes, qui ſont les Monts que les Eſpagnols nomment Cordilleras de los Andes, ou Sierra Nevada. L’Abançay ſe jette dans le Xauxa, ou Rio Maragnon, dans la Province de Lima.
ABANHl, Riviere. Cherchez Nil.
ABANO, en Latin Aponus, eſt une Paroiſſe dans le territoire de Padouë Lucain & Martial en font mention. Quelques Auteurs ont crû que c’étoit le lieu de la naiſſance de Tite Live. Abano a été honoré par celle du fameux Medecin Pierre de Apono, qui fut célebre dans le XIV. Siécle. Il y a des fontaines & des bains, dont Claudien a fait mention.
Felices, proprium qui te meruere, coloni ;
Fas quibus eſt Aponum juris habere ſui.
On les a toûjours fort eſtimez, pour la conſervation de la ſanté, & pour la gueriſon de pluſieurs maladies. Les Anciens diſent qu’Hercule s’y vint baigner, & s’y délaſſer de ſes travaux. Theodoric Roi des Oſtrogoths, ayant établi le ſiege de ſon Empire à Ravenne, fit conſtruire de beaux édifices aux environs de cette fontaine, par un célebre Architecte nommé Aloylius. * Joann. de Dondis, tract. de ſontib. cal. Patav. SUP.
ABANTAS ou Abantis, ville près du mont Parnaſſe, célebre par un temple d’Apollon. Il y a aujourd’hui Abanta, petit païs de l’Empire, dans la Province de Canina.
ABANTES, peuples ſortis de la Thrace, qui ſe retirèrent dans la Phocide en Grece, où ils bâtirent une ville appellée Aba, du nom de leur Chef Abas. De la ils paſſerent dans l’Iſle qui ſe nommoit alors Macris, & fut enſuite nommée Abantis, puis Chalcis, & Eubée, aujourd’hui Negrepont. Les Curetes, anciens peuples de Crete, s’étoient auparavant établis dans cette Iſle, & y avoient introduit la coûtume de ne laiſſer croitre leurs cheveux que par derriere, afin de ne point donner priſe à leurs ennemis, qui les avoient autrefois terraſſez, en les prenant par les cheveux de devant. C’eſt pourquoi on les nommoit Curetes ; du nom Grec χγρά, ſelon Strabon, qui ſignifie tonſure, ou l’action de tondre. Les Abantes ſuivirent cette coûtume ; ce qui a donné lieu au Poëte Homère de les appeller όπισθεν χομόωντας, c’eſt à dire, qui n’ont des cheveux qu’au derriere de la tête. Bochart remarque, qu’il y a du rapport entre le nom d’Abantes, & celui d’Eubée, dans leur ſignification : car, dit ce ſavant Auteur, אבם Abas ſignifie en Hebreu engraisser, d’où vient que les Pheniciens ont donne ce nom à ceux qui nourriſſoient & engraiſſoient des bœufs ou d’autres troupeaux, c’eſt à dire, aux Paſteurs & aux Bergers, (tels qu’étoient les peuples dont je parle :) & l’Iſle d’Eubée a été ainſi appellée en Grec à cauſe de ſes excellens pâturages pour les bœufs.* Herodote, l. I. Sam. Bochart. in Chanaa. SUP.
ABANTIDAS, Géneral ou Roi des Sicyoniens, ſucceda à Clinias, pere de cet Aratus, qui ſurprit la citadelle de Corinthe. Il fut aſſaſſiné par des étrangers, peu après avoir été reconnu General de ces peuples. * Pauſanias, in Corinth. l. 2. Plutarque, Polybe, &c.
ABANTIS, Iſle. Cherchez Eubée.
ABANTIS, Ville, Cherchez Abantas.
ABANVIWAR, Comté ou Province de la haute Hongrie, ſur les frontieres de Pologne. Caſſovie ou Caſchaw eſt ſa ville capitale, vers les Monts Carpates, ou Krapak.
ABARA, Ville. Cherchez Abaraner.
ABARANER, bourg de la grande Armenie, ſur le fleuve Alingeac. L’Archevêque de Naſſivan y fait très-ſouvent ſa refidence. On dit qu’il y a trois cens familles de Catholiques. Abaraner eſt apparemment cette ville d’Armenie, que Cedrene nomme Abara.
ABARAUS & ABORAAS, ville d’Afrique dans la Guinée, ſur le fleuve de la Volta. Elle eſt environ à vingt-cinq lieuës de la mer.
ABARBARÉE ; C’eſt le nom d’une Nymphe Nayade, de laquelle Buccolion fils aîné de Laomedon eut Eſepe & Pedaſe. * Homere, li. 6. Iliad.
ABARBINEL ou Abrabanel, voyez, Abravanel.
ABARCA, ſurnom de Sanche II. Roi de Navarre, qui lui fut donne à cauſe d’une certaine chauſſure qu’il portoit. Ce Prince ſucceda à ſon pere Garcias II. l’an 925. ou, ſelon d’autres, l’an 891. & remporta pluſieurs victoires contre les Maures. Après avoir regné près de trente-ſept ans, il fut tué dans une bataille contre les Caſtillans, & laiſſa ſa Couronne à ſon fils Garcias III. ſurnommé le Trembleur, que quelques-uns nomment auſſi Sanche Abarca, comme ſon pere. * Mariana, Hiſt. Hiſp. De Marca, Hiſt. de Bearn. SUP.
ABARES. Cherchez Avares.
ABARIM, montagne de l’Arabie Petrée, à l’Orient du Jourdain, ſéparoit le païs des Ammonites & des Moabites, de la Terre de Chanaan. Nebo & Phaſga étoient deux parties de cette Montagne, qui fut une des ſtations des Iſraëlites après leur ſortie d’Egypte ; & de là ils allerent camper, pour la derniere fois, dans la plaine de Moab vers le Jourdain. Entre ce fleuve & Jericho, qui eſt vis à vis du Mont Abarim, il y a une Vallée nommée Barat, où l’on trouve une plante de même nom, qui paroît toute de feu pendant la nuit, & que l’on prendroit pour un flambeau. On peut remarquer ici, qu’Abarim ſignifie Paſſage, ou les Paſſans en Hebreu ; & les Bleds en Syriaque, Nomb. XXVII. Joſeph, Antiq. Jud. l. 4. c. 8. Euſebe & S. Jerôme, dans les lieux Hebraïques, ſur leſquels on peut consulter Jaques Bonfrerius Jeſuite, qui a le premier publié ce livre en Grec.
ABARlMON, païs de la Scythie, au pied du mont Imaüs, qui eſt la plus grande montagne de Scythie, & qui fait une partie du mont Taurus, laquelle s’étendant, en forme de croix, tant du côté d’Orient & d’Occident, que du côté du Midi & du Septentrion, diviſe la Scythie en Citerieure & Ulterieure. Pline dit qu’on y trouvoit des hommes ſauvages, qui couroient avec une viteſſe extraordinaire & qui s’y promenoient ſouvent avec les bêtes farouches. * Pline li. 7. c. 2. Ptol. [Il eſt faux que le mont Imaüs faſſe partie du Taurus, puis que celui-ci ne paſſe point le Tigre, & que l’Imaüs eſt, ſelon Ptolo-