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a ſuivi le même deſſein de Geſner, dans ſon excellent & curieux Apparat Sacré. Ce qui eſt bon & utile eſt preſque toûjours l’objet de beaucoup de perſonnes. Ainſi on entreprit en France le même deſſein, afin de montrer les richeſſes de nôtre Langue. Le Sr. de la Croix du Maine publia une Bibliotheque, oùi il parle de tous les Auteurs qui ont écrit en François, depuis plus de cinq cens ans, juſques à lui. Cela fut imprimé à Paris, chez Abel Angelier, en 1584. L’année d’après, Antoine du Verdier Sr. de Vauprivas, donna au public un Ouvrage d’un ſemblable projet, ſous le même nom de Bibliotheque. Il fut imprimé à Lyon, chez Barthelemi Honorat. L’un & l’autre parlent des Auteurs qui ſont venus à leur connoiſſance, & nomment ſouvent les mêmes : mais leur méthode eſt differente. La Croix du Maine nomme plus d’Auteurs connus que du Verdier & rapporte ſouvent des pieces entieres des Auteurs. Le P. Louis Jacob, Carme, qui nous a donné un Traité des plus belles Bibliotheques du Monde, nous promettoit un grand Ouvrage, utile, comme il le diſoit, à la Nation Françoiſe, & ſouhaité avec paſſion des étrangers. C’étoit une Bibliotheque univerſelle de tous les Auteurs de France, qui ont écrit en quelque ſorte de Sciences & de Langues que ce ſoit. Il la promettoit en quatre Volumes in folio, deux en Latin, & deux en François. C’eſt un grand malheur, pour les Curieux, que cet Ouvrage n’ait pas été imprimé. Le P. Jacob ne manquoit pas d’érudition, il a publié divers Traitez qui le témoignent. C’eſt lui qui dreſſoit il y a vingt ans le Catalogue des Livres, qui s’imprimoient en France, ſous le nom de Bibliographia Gallica Univerſalis, & qui a écrit Bibliotheca Pontificia, & Bibliotheca Fœminarum.

Ce ſoin de conſerver la mémoire des Auteurs, a été commun à toutes les Nations, & il y en a peu qui n’ait eu quelque Savant, qui ſe ſoit donné la peine de recueuillir ces noms illuſtres. Bal ou Balæus & Pitſeus ont travaillé pour les Anglois : Jaques Wareus pour ceux d’Irlande : Le Mire, François Swert, Valere André, &c. pour ceux des Païs-Bas : Corneille Callidius & quelques autres pour ceux d’Allemagne, auſſi bien que Melchior Adam, qui nous a donné les Vies des Théologiens, des Philoſophes, des Juriſconſultes & des Medecins de ce païs, qui vivoient dans le XVI. Siécle. Suffridus Petri a recueuilli les noms des Auteurs de Friſe : Simon Starovolſcius ceux de Pologne : Le P. André Schot, Alfonſe Garcias, & Nicolas Antoine de Seville, ceux d’Eſpagne : Uberto Folieta, Raphaël Soprani, & Michel Juſtiniani, ceux de la côte de Genes & de toute la Ligurie. Pluſieurs ont travaillé au recueuil des Auteurs des Villes : comme Jaques Thomaſin de ceux de Padouë, Jean Antoine Bumaldi de ceux de Bologne, Jerôme Rubei de ceux de Ravenne, Coria & Ripamonte de ceux de Milan : Hugolin Verrin de ceux de Florence, Sandere de ceux de Gand, Jule du Pui des Juriſconſultes de Veronne. Le P. Louis Jacob, dont j’ai déjà parlé, de ceux de Châlon ſur Sône, le Sr. Pitton de ceux d’Aix en Provence, &c. Les Hiſtoriens des Provinces particulieres, ont auſſi parlé des Hommes de Lettres qui y ont fleuri ; & c’eſt ce que nous voyons obſervé, avec aſſez d’exactitude, dans l’Hiſtoire de Dauphiné écrite par le Sr. Chorier, dans celle de Languedoc, par le Sr. Carel ; dans celle de Provence, du Sr. Bouche ; & ainſi de grand nombre d’autres. Je dis le même pour les Ordres Religieux qui ont tous eu quelqu’un qui a fait des Bibliotheques, & des recueuils de leurs Ecrivains. Pour les Benedictins, Tritheme, Arnoul Wion, &c. Pour les Chartreux Pierre Dorland & Theodore Petreius. Pour les Dominicains, Leandre Alberti, Antoine de Sienne, Alfonſe Fernandes, Ambroiſe Gorzée, Pierre Malpæus, &c. Pour les Carmes, Arnoul Boſtius, Pierre Luce, Marc-Antoine Alegre, &c. Pour les Religieux de l’Ordre de S. François, Henri Willot, Wadinge, &c. Pour ceux de Prémontré, Jean le Page. Pour les Jeſuites, Pierre Ribadeneira & Philippe Alegambe. Ce qu’on peut encore aſſûrer de preſque toutes les autres Congrégations Religieuſes. Dans les Profeſſions illuſtres, dans les Academies, & dans les Chapitres, il y a eu des Curieux qui ont recueuilli les noms de leurs Confreres. Ainſi Bernard Rutilius, Bernardin Gaſneri, Jean Forſter, Jean Neviſan, Jean Fichard, Wolfgangus Freimonius, Jean Bertrand, &c. ont travaillé au recueuil des Juriſconſultes célebres ; Et celui des Medecins a été fait par Simphorien Champier, Jean George Schenk, Remacle Fuſch, Pierre Caſtellan, Vander Linden, &c. Nous avons auſſi les Vies de divers Academiciens, comme de ceux de l’Academie Françoiſe, dans l’Hiſtoire de cette célebre Compagnie, écrite par M. Peliſſon ; de quelques autres Academies d’Italie : des Profeſſeurs des Univerſitez de Leiden, de Groningue, &c. Des Peintres par Vaſari, par le Chevalier Ridolfi, & par M. Felibien, dans les Entretiens curieux de ceux de cette profeſſion. Les Vies des Evêques ſont recueuillies dans les Hiſtoires des Egliſes particulieres, que nous avons en grand nombre. Elles ont été aſſemblées, pour la France, dans la Gallia Chriſtiana de M M. de Sainte Marthe : Pour l’Italie, dans l’ Italia Sacra de l’Abbé Ughel : Pour l’Angleterre, dans l’Hiſtoire Eccleſiaſtique de Nicolas Harpsfield : Pour le Païs-Bas, dans Gazey, Le Mire, Sandere, &c. Enfin ce ſoin a été ſi fort du goût de quelques Ecrivains du XVII. Siécle, qu’Antoine Sandere a fait un recueuil de tous les Auteurs qui avoient nom Antoine : Le P. Théophile Rainaud, des Théophiles : Le P. Philippe Labbe, des Philippes : M.André du Sauſſai, des Andrés : Jean Meurſius, des Antigones, des Ariſtoxenes, des Nicomaques, des Philoſtrates, &c. Leon Allatius, des Simeons, des Philons, des Pſelles, des Methodius, &c.

Je ne dis rien des Vies particulieres des grands hommes, quoiqu’elles ſe rapportent au même deſſein ; comme des Papes & des Rois, dans les Hiſtoires particulieres des Miniſtres d’Etat de France, dans le Traité publié par M. le Comte d’Auteuil. Des Cardinaux, par Ciaconius, Auberi, &c. & ceux de France par Du Cheſne & Frizon : Des Hommes illuſtres & des grands Capitaines, par Mr. de Brantôme : De pluſieurs grands Capitaines François, par M. le Baron de Fourquevauls, & ainſi de quelques autres. Mais je ne me ſaurois diſpenſer de dire un mot de divers Eloges, que nous avons ; & qui ont été dreſſez par Paul Jove, par Thevet, par Papyre Maſſon, par Le Mire, & par Scevole de Sainte Marthe, qui a compoſé ceux des doctes François. Nous avons auſſi les Portraits des Hommes illuſtres par Theodore de Beze, & des gens de Lettres de toute ſorte de Nations par Laurent Craſſo. Ce dernier Ouvrage eſt en Italien, Janus Nicius Erythræus, dont le véritable nom eſt Jean Victor Roſſi, a écrit en Latin ceux des Hommes d’eſprit, qui ont vécu de ſon tems, dans ſon Livre intitulé Pinacotheca Imaginum illuſtrium. Jean Bocace, Joſeph Betuſſi, Pierre Paul de Ribera, François Serdonati, François Auguſtin della Chieſa, Jaques Philippe de Bergame, Bernardin Scardeoni, Jules Ceſar Capacio, Charles Pinto, le P. Hilarion de Coſte, &c. ont écrit l’Eloge des Dames illuſtres ; Et M. de Brantôme a compoſé les Vies de celles qui vivoient en France de ſon tems. Lilio Giraldi, Crinitus, Scaliger, & Voſſius ont fait des recueuils des Poëtes. Ce dernier a fait des Traitez des Mathematiciens, des Philoſophes, des Orateurs, & des Hiſtoriens Grecs & Latins. La Popeliniere a parlé des Hiſtoriens : Noſtradamus a laiſſé les Vies des Poëtes Provençaux : Martin Zeiller a écrit un Traité des plus célebres Hiſtoriens, Chronologues & Geographes : Jean André Quenſtedt a compoſé un Ouvrage du lieu de la naiſſance des gens de Lettres, intitulé, de pa-

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