Page:Moréas - Variations sur la vie et les livres, 1910.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de foi. Il fait voir, néanmoins, un Mirabeau bien vivant dans son allure.

Rétif a laissé une fort singulière Histoire de Charlotte Corday. Nous y apprenons que la célèbre vengeresse avait une amie inséparable. Félicité Mesnage, jeune fille pleine de grâce, d’une belle taille et d’une figure caméléonne. C’était une brune ardente, d’une sensibilité physique extraordinaire, qui la conduisait aux confins de la passion.

Charlotte s’étonnait des ardeurs de son amie, et Félicité lui disait souvent:

— Ah ! c’est que la glace de ton cœur n’est pas rompue.

Un jour, Charlotte fut témoin d’une scène, et même de deux scènes, fort chaudes. Je ne saurais vous rapporter les détails de cette affaire. Charlotte en fut si scandalisée qu’elle ne revit oncques son amie. Sur quoi, dit Rétif, tout le monde lui fit compliment.

Quelque temps après, un nommé Saint-Marcouf rechercha Charlotte en mariage. Il était gros, pataud et assez laid pour les traits du visage ; il avait encore des engelures comme un petit garçon de neuf ans. Il déplut à la jeune