Page:Moréas - Premières Poésies, 1907.djvu/56

Cette page n’a pas encore été corrigée


Le paysage vert et rose et jaune et mauve
Où murmure l’eau claire en les fouillis des joncs,
Où se dresse au-dessus des fourrés sauvageons
Le cône menaçant de la montagne chauve.

Nous reverrons les bœufs, les grands bœufs blancs et roux,
Traînant des chariots sous l’ardeur tropicale,
Et sur le pont très vieux la très vieille bancale
Et le jeune crétin au ricanement doux.

Ainsi nous revivrons nos extases éteintes
Et nous ranimerons nos bonheurs saccagés
Et nous ressentirons nos baisers échangés
Dans les campagnes d’or et d’émeraude teintes.

*

Hélas ! N’écoutant pas la voix des sorts moqueurs
Et laissant mon esprit s’enivrer de chimères,
Je ne veux pas penser que les ondes amères
Vont se mettre bientôt au travers de nos cœurs.