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Vois plutôt sous ces bois couronnés de l’été
mon Erato, fervente aux fastes bucoliques,
à songer qui élut la fraîche opacité
que baigne doucement la Marne aux bords obliques.
Lune, veuille que l’or abondant ne me soit,
mais que la pauvreté n’habite pas mon toit ;
que si m’assaut l’adversité, d’un penser droit
mon âme la médite, et que la paphienne
ne m’arde pas soudain d’un brandon rigoureux
qui fit le perce-monts fileuse lydienne.
Que ceux faussement peints ne m’abusent, qu’entre eux
je passe avec le cœur léger, ô bonne lune,
d’un petit oiseau ! Car, dans mon sang chaleureux,
de ton frère à l’arc d’or je porte la fortune.
De la marche normande au pays angevin,
où la pomme est gaulée, où fermente le vin,
chacun eût estimé sa valeur importune
de n’entendre ma voix et que fût empêché
mon plectre (honneur gallique) au luth trois fois touché.