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de personne. Ce n’était pas un grammairien à la façon dont on l’entend aujourd’hui. C’était même tout le contraire. Il ne reconnaissait d’autre règle que l’usage. Il avait vécu à la cour du duc d’Orléans Gaston, il en avait noté les façons de dire. C’est sur ces façons de dire qu’il fit un volume de Remarques. Jamais on n’écrivit sur la langue avec moins de tyrannie. Il se borne à dire, dans son livre, que tel terme est du bel usage et que tel autre terme n’en est pas. En quoi cela peut-il vous contrarier ? Ne serait-il pas meilleur, Monsieur, de laisser en repos ce gentilhomme qui aimait les beaux discours, et de tourner ensemble notre colère contre Noël et Chapsal, vos ennemis et les miens ? Ceux-là furent des cuistres. Ils prétendirent donner des règles pour écrire, comme s’il y avait d’autres règles pour cela que l’usage et le goût…

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Je vais vous surprendre encore. Je ne trouve pas le théâtre de Voltaire si mal écrit que vous dites. Je n’y vois pas tant de « tavelures » que vous en voyez. Le vers en est parfois un peu traînant, j’en conviens. Voltaire, pour parler comme Pascal, n’avait pas le temps d’être court. Mais enfin, s’il y a quelque part un bon style de tragédie philosophique, c’est celui-là. J’y sens par endroits le cœur et l’âme du dix-huitième siècle. Les marquises et les philosophes ne reconnaissaient dans Zaïre et dans Alzire. Ils en pleuraient. Laissez-moi voir encore entre les feuillets jaunis glisser leurs ombres aimables. Il y a tout de même de la poésie dans ces vers-là. C’est vieillot, dites-vous. Eh bien, un peu de patience ! ce sera vieux demain. Je