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c’est Lycophron. Il est ésotérique autant que possible et suffisamment complexe, ce me semble. Je serais curieux de savoir ce que vous en pensez. Quant à moi, je le tiens pour le premier des symbolistes. Vous ferez peu de cas, sans doute, de l’opinion d’un barbare. L’exemple de M. Zola devrait vous inquiéter davantage. Si la philosophie littéraire qui aboutit au seul naturalisme est fausse, celle qui aboutit au seul symbolisme risque de n’être pas plus vraie. C’est le danger des systèmes ; je veux vous en rappeler un illustre exemple. Le grand Augustin Thierry établit vers 1835 que tout ce qui avait eu lieu dans notre pays, depuis les Romains, n’était qu’une préparation à la monarchie de Juillet, et que, par conséquent, l’histoire de France était désormais parfaite. Ce système fut renversé en 1848 et il ne s’est pas relevé depuis.

Vous prenez soin, Monsieur, de désigner dans votre manifeste, en même temps que les bons écrivains français qui ont préparé le symbolisme, les mauvais qui l’ont retardé. Parmi ceux-ci vous nommez Vaugelas et Boileau. Je crois comme vous, en effet, que Boileau ne soupçonna jamais ni les « impollués vocables », ni « la période qui s’arc-boute alternant avec la période aux défaillances ondulées », ni « les mystérieuses ellipses », ni « le trope hardi et multiforme » que vous préconisez. M. Renan nous affirme que Nicolas est devenu romantique depuis qu’il est mort. Je n’en crois rien : c’était un entêté. Il y a gros à parier qu’il n’est encore ni pour M. Victor Hugo, ni pour vous. Quant à Vaugelas, je ne sais pas en vérité pourquoi vous le considérez comme votre ennemi. Il n’est l’ennemi