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Je m’étais assis, après une longue course, sur un tertre dans le bois de Verrières, lorsque j’aperçus un être étrange, cornu et chèvre-pieds. Son visage était rude et barbu, sa chevelure inculte, et il avait le dos couvert d’une peau de lynx. Vous vous doutez bien que je n’ai pas tardé à reconnaître en lui le fils de Mercure et de la nymphe Dryopé, Pan qui se plaît aux danses bruyantes et aux belles joutes des chalumeaux.

Il se tenait dans un hallier, et il y avait au-dessus de sa tête, suspendues à un flexible rameau, quatre syrinx finement percées.

Soudain, je vis le dieu saisir une de ces syrinx et l’approcher de ses lèvres.

Un son se fait entendre, allègre, comme rempli d’une espérance inconsidérée, et à l’instant, mille fleurs s’ouvrent, odorantes ou distillant le miel. Des branches et des tiges montent et s’allongent, toutes chargées d’une promesse diaprée de fécondité. L’air s’azure et s’irise, les cours d’eau murmurent sur le gravier. Dans le profond des forêts, le fauve s’élance en bondissant et la race ailée des oiseaux vole çà et là avec des cris. Plus abusés qu’eux, les mortels se réjouissent d’éprouver que l’univers n’est qu’amour