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pu, sans doute, gagner en durée. Tandis qu’il ne nous reste, de la sorte, que la cendre de la colère de Becque.

Mais n’allez pas croire que tout est à négliger dans les Souvenirs d’un auteur dramatique ! Entre ces feuillets, plus d’un morceau a conservé sa première vivacité. Le piquant et le tendre y alternent de façon curieuse, et nous renseignent sur la psychologie d’un homme de grand mérite.

Henry Becque avait posé sa candidature à l’Académie ; Verlaine brûlait de le faire. Le premier était la correction même, plein de scrupules, et, malgré son esprit et ses allures dégagées, très soucieux du qu’en-dira-t-on. L’autre a vécu en enfant perdu, et il a fini dans l’ivrognerie et dans la crasse. Eh, bien ! ces deux hommes avaient — outre leur génie — des traits de ressemblance. C’étaient des bourgeois français, dans le meilleur sens du mot, respectueux de l’ordre et même des préjugés. On l’admettra facilement pour Becque ; et quant à Verlaine, je garantis que s’il eut maille à partir avec la justice, il ne lui en garda point rancune. Vraiment, il avait un faible pour la magistrature et la gendarmerie.