Page:Moréas - Esquisses et Souvenirs, 1908.djvu/155

Cette page n’a pas encore été corrigée

délices ! — et je souris amèrement envoyant comme le temps y avait rendu les arbres drus, et comme il avait renforcé leurs feuillages…

… L’autre semaine, je partis pour une douce vallée qu’illustra, au commencement du siècle dernier, le séjour d’un grand écrivain, beau ténébreux classico-romantique.

A l’auberge, des couples mangeaient et buvaient dans les kiosques et sous les charmilles. Je préférai la salle du haut où je fus seul. J’écartai les rideaux des quatre fenêtres donnant sur la route ; en face, un immense parc déployait l’écran de ses frondaisons séculaires, et je pus ainsi jouir d’une véritable pénombre verte.

Soudain des cris et des fanfares éclatèrent. C’était une bande joyeuse, en chapeaux et cocardes de carnaval, qui prenait l’auberge d’assaut. Et tous ces gens soufflaient à perdre haleine dans des buccins et des conques en carton. On eût pu les croire du cru, mais c’étaient des fourreurs de Paris, qui s’en donnaient à cœur joie.

Je les laissai pour regarder par une fenêtre, de l’autre côté.

Je vis une petite voiture arrêtée, là, contre la clôture du parc. Elle était attelée d’un jeune mulet qui faisait jouer ses oreilles de la façon la plus in-