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à voir Marceline peinée et son insupportable orgueil abattu. Cependant elle jugea suffisante sa vengeance. Même elle se reprocha la brusquerie de ses phrases.

Puis elle se complut à la philosophie qu’elle s’était forgée le jour où la sœur fut soupçonnée. C’était folie que de vouloir lutter contre la situation faite par le hasard. Mieux valait en jouir : tourner à profit les inconvénients. D’ailleurs elle préférait l’état présent. Riche, elle ne serait pas aujourd’hui la maîtresse adorée d’un charmant garçon, ni la cause d’un duel, ainsi qu’une noble héroïne de roman. Des gens l’auraient poursuivie en mariage, pour sa dot. Il valait bien mieux être aimée pour soi ; et cela se présentait autrement honorable et digne que d’être prise avec des cent mille francs, par surcroît. Et, tout heureuse, dans le silence de la chambre morne, elle évoquait la douceur des caresses, la chère voix du jeune homme tremblant à son oreille d’émotion amoureuse. Elle ressentait à nouveau le plaisir de se savoir fou-