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dre. » — « Ah ! répondit avec sentiment Mlle Candeille qui, toujours « sortie », n’avait entendu que le dernier mot de la phrase, — il n’en est que plus malheureux ! »

L’aventure de son second mariage est plus extraordinaire encore. Pendant un séjour à Bruxelles, Mlle Candeille avait fait connaissance d’un M. Jean Simons, fabricant de voitures et veuf. Deux ans plus tard, le fils de ce dernier, Michel Simons, dans un voyage à Paris, devint amoureux fou de la belle Mlle L’Ange, camarade et amie de Mlle Candeille. Le père, apprenant que son fils est sur le point d’épouser une actrice, arrive de Bruxelles, furieux, pour s’opposer au mariage. Il s’adresse naturellement à Mlle Candeille, à laquelle il avait été présenté, et la supplie de vouloir bien l’aider et s’entremettre en cette affaire. Mais il s’éprend de son avocat en jupons, l’épouse, et ne peut s’opposer dès lors au mariage de son fils avec Mlle L’Ange, qui devint ainsi la bru de son amie. N’y a-t-il pas là un joli sujet de comédie, capable de tenter un de nos jeunes auteurs, même après la Comédienne, d’Andrieux ? J’offre le titre : Coup double !

La citoyenne Villeneuve, auteur des Crimes de la Noblesse, qu’il ne faut pas confondre avec Mme de Villeneuve, la grande amie de Crébillon, morte en 1755, vient ensuite avec sa comédie en 3 actes, en prose : Les véritables honnêtes gens, représentée le 20 octobre 1797 sur le Théâtre de la République.

Puis c’est encore une comédienne, Julie Molé, qui fut plus tard comtesse de Vallivon, auteur, avec Bursey, du drame imité de Kotzebue : Misanthropie et Repentir, lequel fit courir tout Paris à l’Odéon du 28 décembre 1798 jusqu’à l’incendie de ce théâtre. Grand succès de larmes, et, plus tard, l’un des triomphes de Talma. Julie Molé a laissé des Mémoires qui mériteraient d’être publiés.

Mme la Princesse de Salm-Dyck, une nantaise, n’était encore que Mme Pipelet, femme bel-esprit et membre de l’Athénée au Lycée des arts, lorsqu’elle fit représenter au Théâtre-Français, le 28 février 1800, Camille ou Amitié et Imprudence, drame en cinq actes, en vers, qu’on attribua — selon l’usage — à un auteur mâle, Laignelot. À dix-huit ans, elle avait composé la délicieuse romance devenue populaire : Bouton de Rose. Son Éloge de Sedaine appartient à l’histoire du théâtre, et aussi son Épitre aux femmes, en réponse à Écouchard Lebrun, qui voulait interdire au « troisième sexe » (le mot est de Louis Veuillot) de s’occuper de poésie et de littérature. L’impertinent ! qui nous eût privés de dix auteurs charmants, à commencer par :

Mme de Bawr, fille du marquis de Champgrand et d’une actrice de l’Opéra, compositeur de musique, auteur dramatique, romancière, cantatrice, élève de Grétry et de Boëldieu, de Garat et d’Elleviou. Veuve à vingt ans, elle se remaria au comte de Saint-Simon, dont elle ne tarda pas à se séparer. Remariée à M. de Bawr, officier russe qu’elle perdit subitement en 1810 écrasé par une voiture, ce fut après sa mort qu’elle donna aux boulevards quelques mélodrames sous le pseudonyme de M. François, puis au Théâtre-Français la Suite d’un bal masqué, charmante comédie en un acte, restée au répertoire (9 avril 1813) et, à une grande distance, Charlotte Brown, drame en un acte (7 avril 1835). Ces deux ouvrages furent créés par Mlle Mars, dont l’auteur était l’amie. Sa Méprise, présentée au comité, ne fut pas jouée, mais sa nouvelle : Michel Perrin, transportée au théâtre, a été, — comme on sait — l’un des plus grands succès de Bouffé. Mme de Bawr est morte le 31 décembre 1860, à l’âge de 87 ans ; elle a laissé d’intéressants Souvenirs.