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deux ans plus tard l’Amour à Tempé, pastorale « érotique » (sic) en deux actes, en prose, avec un divertissement : la pièce, à la fois niaise et indécente, ne pût aller au-delà du premier acte, le public demanda immédiatement le ballet.

Entre deux, la marquise de Saint-Chamond (Marie-Claire-Mazarelly), avait fait jouer les Amans sans le savoir, comédie en trois actes en prose, qui ne vécut que quatre soirs.

Le 23 novembre 1776, la Rupture ou le Mal-entendu, comédie en un acte, en vers, de Mesdames Delhorme, fut représentée pour la première et la dernière fois, à la même salle des Tuileries. Pas commodes, les dames Delhorme, si j’en crois leur correspondance, scellée d’un cachet représentant un Amour, avec cette devise « Fidèle et secret. » Leur dossier ne renferme pas moins de vingt-deux lettres, toutes relatives à leur petite pièce, qui tomba sous les huées et les sifflets : beaucoup de bruit pour rien !

Six ans d’intervalle, et nous nous arrêtons devant le buste de Mlle Raucourt. Celle-là est de la maison, et déjà placée au foyer des comédiens célèbres. Fille d’un acteur de province, elle avait débuté avec éclat en 1772. Bientôt reçue sociétaire, les bravos prodigués à l’artiste ne lui suffisent plus : elle veut connaître aussi les joies ou les soucis de l’auteur. Le 1er mars 1782, elle donne Henriette, drame en trois actes, en prose, inspiré d’un ballet allemand ; elle crée le principal rôle, admirablement secondée par l’élite de la Comédie, et reste, comme devant, une tragédienne émérite. Le scandale de ses obsèques, en 1815, lui donna, comme on sait, un regain de célébrité.

L’année suivante 1783, Madame de Montanclos, d’Aix-en-Provence, fait jouer à la Nouvelle-Salle, qui est aujourd’hui l’Odéon, le Déjeuner interrompu, comédie en deux actes, en prose, qui, avec l’opéra-comique Robert le Bossu, compose tout son bagage dramatique.

Plus féconde est Madame la comtesse de Montesson, dont le Théâtre (une rareté bibliographique !) ne compte pas moins de seize comédies, tragédies ou drames. Le Théâtre-Français ne représenta que sa Comtesse de Chazelle, comédie en cinq actes, en vers, tirée de Clarisse Harlowe et des Liaisons dangereuses ; mais Madame de Montesson avait son théâtre particulier de la Chaussée-d’Antin, sur lequel sa Comtesse de Bar et son Agnès de Méranie furent jouées par des comédiens du Théâtre-Français. Elle-même était une excellente actrice de société, tenant avec succès l’emploi de Mademoiselle Doligny, la délicieuse Rosine du Barbier ; cantatrice, elle marchait sur les traces de Mademoiselle Arnould et de Madame Laruette ; dans sa petite troupe d’amateurs elle eut pour partenaire le duc d’Orléans qui — comme on sait — l’épousa secrètement, le 23 avril 1773. À la fois artiste et savante, Madame de Montesson peignait agréablement les fleurs et étudia la physique et la chimie avec Berthollet et Laplace. Elle mourut en 1806, laissant une réputation universelle de bienfaisance, et fut inhumée à Seine-Port.