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souffleuse de la Comédie-Française, parente des Beauval et des Raisin, qui fit représenter une comédie intitulée Titapapouf ou le Voleur à la salle de la rue Guénégaud. Que pouvait bien être Titapapouf ? Mystère à jamais insondable, la pièce n’ayant pas été imprimée, et le manuscrit en étant perdu. Espérons que la souffleuse, le soir de sa « première, » fit « tenir la pièce » — comme on disait alors — par un souffleur et s’épargna ainsi l’indicible émotion d’un auteur se soufflant lui-même.

Catherine Bernard (de Rouen), qui vient ensuite, est l’auteur de trois tragédies qu’on a attribuées soit à Thomas Corneille, soit à Fontenelle, dont elle était la parente : Laodamie reine d’Épire, la dernière nouveauté représentée à l’hôtel de Guénégaud quelques mois avant le transfert de la troupe à la salle de la rue des Fossés-Saint-Germain, Brutus et Bradamante. Mlle Bernard était membre de l’Académie des Ricovrati, et lauréat de l’Académie française et des Jeux floraux.

Mlle Ulrich, amie de La Fontaine, dont elle édita les œuvres posthumes, était l’auteur de la Folle enchère, comédie qu’on trouve imprimée dans le Théâtre de Dancourt. Le comédien ne fit que retoucher sa pièce, comme tant d’autres qui ont paru sous son nom et mérité le nom de « dancourades ». Ce ne fut pas d’ailleurs la seule collaboration qui réunit Dancourt et Mlle Ulrich, « belle, faite au tour, et spirituelle, » assure un auteur du temps.

Elle était fille d’un des 24 colons de la musique du Roi. Son père étant mort pauvre, comme il sied à un virtuose, et laissant une nombreuse famille, elle fut placée à quatorze ans comme servante chez un barbier. Un Suédois, Ulrich, maître d’hôtel du comte d’Auvergne, eut compassion de son état, s’éprit d’elle, et la fit entrer dans un couvent où il paya sa pension jusqu’à ce qu’elle fût en âge de devenir sa femme. Il la voyait assidûment à la grille du parloir ; mais par quelques pensionnaires elle fit la connaissance de Dancourt, jeune, beau, aimable, spirituel et bien fait, qu’elle ne put s’empêcher de comparer à son lourdaud de Suédois. L’auteur du Vert-Galant lui conta des douceurs, l’aima, fut aimé d’elle, et publia partout sa bonne fortune en homme qui n’en est pas à la première. Ulrich, informé de la conduite de sa future, prit le parti de la faire sortir du couvent et de l’épouser aussitôt. Mais… la Folle enchère était déjà parachevée.

Cette collaboration ne suffit plus bientôt à Mme Ulrich, qui devint l’une des femmes galantes les plus connues de Paris. Gens de robe, gens d’épée ou de finance, tout lui était bon, mais particulièrement les jeunes étrangers qu’elle prenait plaisir à déniaiser, pour peu qu’ils eûssent l’escarcelle bien garnie. Le scandale fut tel que sa fille demanda qu’on la retirât d’auprès de sa mère et obtint même une lettre de cachet pour la faire enfermer l’Hôpital général jusqu’à la fin de ses jours.

Mlle Barbier de Vaux,