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En voyant sa pâleur, M. Nangin demanda à sa nièce si elle était malade, et sur sa réponse négative, il attribua sa nervosité à la peur qu’elle avait ressentie, la veille, en face de l’audacieux voleur.

Après le déjeuner, auquel Zilda ne put toucher, M. Nangin lui annonça qu’il avait averti la police, de l’attentat dont elle avait été victime, qu’il y aurait une enquête et qu’elle devait se tenir prête à donner son témoignage.

Cette enquête eut lieu, et la pauvre Zilda, pressée de questions, ne sachant que répondre, donna presqu’inconsciemment le signalement de l’homme qu’elle avait vu causer à la porte de la demeure de son oncle, le jour de l’attentat.

Quand la malheureuse jeune fille vit les premiers résultats de son témoignage, c’est-à-dire l’arrestation de l’ouvrier, elle voulut s’illusionner encore en se disant qu’il serait condamné à quelques mois de prison, mais qu’elle verrait à ce que sa femme et ses enfants ne manquassent de rien, en leur faisant parvenir clandestinement l’argent qu’elle avait volé.

C’était une bien triste compensation pour l’honneur de l’époux et du père, mais Zilda était entrée dans une route maudite et ne savait plus s’arrêter. Il en est toujours ainsi pour ceux qui dans la vie, prennent le mauvais chemin : à l’entrée, il semble tout facile et, brillant de lumière, mais aussitôt qu’on s’y est engagé on ne voit plus clair et l’on glisse insensiblement dans un gouffre, qui finit par engloutir. Il faut une grande force d’âme pour se dégager et rebrousser chemin, et Zilda n’avait pas ce courage.

L’histoire de Zilda s’arrêtait ici. Plus bas, d’une écriture tremblée, elle avait tracé ces mots, les derniers qu’elle eût écrit sur terre, sans doute : « Puisse Dieu me pardonner et mon mari bien-aimé ne pas me maudire. »

Des larmes avaient coulé sur le manuscrit, délayant l’encre qui avait par endroit l’aspect de sang pâli.

Hermas baisa pieusement ces larmes séchées et murmura comme pour lui seul : « Malheureuse et chère victime ».

Puis, longtemps, il resta silencieux et rêveur, comme cherchant une solution au douloureux problème qui venait s’ajouter à l’immensité de son chagrin.

Son ami, l’abbé, respectant sa douleur, n’osait lui adresser la parole, et ce fut le veuf qui parla le premier : « Il faut, dit-il, réhabiliter et libérer ce malheureux détenu injustement au pénitencier. Mais ma fille ne doit pas souffrir du malheur de sa mère : elle doit toujours l’ignorer, et pour cela il n’est qu’une solution, je quitterai ce pays, je m’expatrierai avec mon enfant, je l’élèverai loin de ceux qui auront connu