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en rentrant, la première chose qu’elle aperçut fut le tiroir tentateur. « Je vais l’ouvrir », se dit-elle inconsidérément. Et s’armant d’un outil, la malheureuse fit sauter la serrure. Mais, à peine eût-elle accompli cette mauvaise action, qu’elle en entrevit toutes les conséquences. Son oncle indigné la chasserait de sa maison, et tout le monde connaîtrait son indignité. Il fallait donc dramatiser sa faute, afin de détourner les soupçons. « Bah, se dit Zilda, je conterai à mon oncle qu’un voleur est entré, qu’il a volé l’argent et m’a battue. Cela sera sans conséquence et je garderai cet argent. Mon oncle est riche et ne souffrira nullement de ce larcin. D’ailleurs, j’en emploierai une partie à des bonnes œuvres, j’en donnerai aux pauvres, ce que mon oncle ne fait jamais. »

Ayant ainsi raisonné, et presque sans inquiétude sur les suites que pouvait avoir une telle machination, elle alla cacher le fruit de son larcin, puis monta à sa chambre, qu’elle bouleversa pour lui donner l’apparence d’avoir été le théâtre d’une lutte.

Lorsqu’elle entendit revenir son oncle, Zilda s’étendit en travers du corridor, donnant soigneusement à ses vêtements l’allure de désordre qu’elle jugea nécessaire au succès de son manège, et fit semblant d’être évanouie.

Hélas ! son petit coup de théâtre réussit au delà de ce qu’elle avait prévu.

M. Nangin, indigné du vol dont il avait été l’objet, déclara qu’à tout prix, il voulait faire un exemple, malgré les supplications de la nièce, qui, n’ayant pas le courage d’avouer la vérité, suppliait son protecteur de ne donner à cette affaire aucune publicité, invoquant la répugnance qu’elle éprouvait à devenir le point de mire de la foule curieuse et d’aller témoigner en justice. Toutes les raisons qu’elle put imaginer ne servirent à rien, l’avare fut inexorable.


VIII


La nuit qui suivit fut sans repos pour la malheureuse. Bourrelé de remords et redoutant la colère de M. Nangin autant que les suites de son mensonge, vingt fois elle prit la résolution de tout avouer, autant de fois elle y renonça dans la crainte de perdre l’amitié et les bienfaits de son parent.

Enfin, vers le matin, terrassée par la fatigue, elle s’endormit. Mais le sommeil n’était plus pour elle l’oubli reposant des jours d’innocence. Elle eut des songes horribles : se vit traînée en prison, au milieu de la foule qui lui criait des injures et l’appelait voleuse, et s’éveilla brisée d’émotion. S’habillant à la hâte, Zilda descendit rejoindre son oncle qui l’attendait dans la salle à manger.