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ACADÉMICIEN

fenêtres sont romanes ; et l’on distingue des bois sculptés dont l’humidité aura raison. Quelques couronnes funéraires en porcelaine sont rangées dans le fond. La sacristie ressemble à une cave.

Nous dînons à Rolleboise, face à la Seine où passent un remorqueur et des chalands. Devant nous s’étale la paix du soir. Elle recouvre des pans de forêts et des terres travaillées avec tendresse, qui se joignent par bandes étroites comme on en voit chez nous des hauteurs du mont Belœil. Le paysage, merveilleusement composé, garde une douce clarté sous la nuit qui monte des créneaux de calcaire. « Remarquez, me souffle un de mes compagnons, en France, tout est à la hauteur de l’homme, intime. Voyez la Seine, elle coule silencieusement. Elle n’a pas hâte de se jeter dans la mer. Elle flâne le long de ses rives, paresseuse et jolie ; et elle semble regarder avec satisfaction le paysage qu’elle anime. Ce soir, elle est moins bleue, moins sombre que le décor, claire et sans rides. On dirait qu’elle repose et qu’elle attend le soleil pour reprendre son voyage vers l’infini. »

Une impression très chaude s’élève de ce coin de France où le temps a mis son visage et révèle une discipline, une constance qui parle à nos cœurs des hommes et de leurs travaux, qui les raconte, les offre. Ici, le paysage traduit des siècles de pensée, de patience et d’amour. Ces efforts isolés, accomplis sous une même discipline, ont composé ce tableau qui ravit l’étranger comme une harmonie. De ce pays ancien, dorloté, j’évoque par delà l’Océan la rude sauvagerie de nos forêts et l’espoir, en partie réalisé, que nous promet notre jeunesse.

En la quittant, nous félicitons notre hôtesse du buisson d’éperlans qu’elle nous a servi.