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SOUVENIRS

Séjour heureux. Je n’avais plus de soucis, si honorables qu’ils fussent ; et je me livrais tout entier au « plaisir de France » retrouvé : mieux que cela, vécu. De la France, j’avais jusqu’à cette époque vu, en somme, peu de chose. Je l’avais bien traversée, du Nord au Midi et j’avais séjourné sur les bords de l’Atlantique ; mais jamais je n’avais eu la chance de parcourir longuement la province, de m’arrêter à des relais choisis, de muser par les chemins perdus et les sites accueillants. C’est ce bonheur-là que nous offrirent des amis très chers, satisfaits de nous dévoiler quelques secrets de leur pays, ignorés de ceux qui ne font qu’y passer. De la Seine, par exemple, que connaissions-nous sauf son cours assagi ou comprimé par les quais et quelques coins de ses rives dans le sillage d’un bateau-mouche.

Cette fois, nous voyageons en auto et en yacht, assurés de libres flâneries.

Nous allons vers Mantes-la-Jolie par un jour de soleil. Nous traversons la forêt de Saint-Germain et nous déjeunons sur les bords de la Seine à l’Hostellerie de la Nourrée, une ancienne villa transformée. Nous descendons vers la gare par une rue étroite, bordée de murs — qui me rappelle Rome — sous un double rang de tilleuls taillés. Chacun est ici chez soi. Autour de sa vieille église, simple et plaisante, comme ce village est calme. On serait bien pour se livrer à la réflexion au sein de cette souriante solitude.

Nous roulons le long de la vallée jusqu’à Vernon. La courbe de pics déchiquetés semble fondre sous le soleil. Partout de très vieux monuments bordent le fleuve qui serpente, enlaçant des plateaux. J’observe avec curiosité l’intérieur d’une chapelle creusée dans la falaise. La voûte et les