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ACADÉMICIEN

ries aussi : nos pères ont copié de leur main les Méditations de Lamartine et, dans un couvent d’Ursulines, aux Trois-Rivières, une grammaire, placée sur un lutrin, feuilletée par la seule institutrice, et avec les précautions que l’on met à toucher une relique, a servi pendant des années à guider les enfants qui venaient lui demander avec respect une part du merveilleux héritage.

Voilà bien le miracle canadien. Il fut accompli par un peuple que rien n’a rebuté et dont la tranquille décision a vaincu tous les obstacles. Fils de France, il est resté obstinément fidèle à la culture française ; et, aujourd’hui qu’il possède la force d’une nation, c’est encore elle qu’il veut faire triompher sur une terre où sa loyauté lui a mérité de vivre ses propres destinées.

La littérature a défendu la langue qui n’a cessé de lutter, malgré les traités aussi mal faits autrefois qu’ils le sont de nos jours : il n’était pas question d’elle dans le Traité de Paris qu’elle formula. Elle a résisté aux attaques de la politique, bien plus dangereuses que le voisinage du nombre et de l’esprit et, à l’Angleterre, elle a réclamé les libertés anglaises.

Même interdite par une loi, après d’inutiles tentatives pour la supprimer, elle a protesté du haut de la tribune, par la bouche d’un homme qui portait, ainsi que tant d’autres chez nous, un nom français, lumineux, classique, comme tout ce que le peuple a buriné, Louis-Hippolyte Lafontaine. Elle a recouvré le pouvoir et pris place dans la Constitution de 1867 ; mais si elle n’a pas achevé de vaincre et s’il lui faut combattre encore pour que l’on respecte ses droits, si elle ne résonne plus dans une partie du pays qu’elle a pourtant baptisé,