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MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE

tion. Si légèrement que ce fût, quelques tournures l’atténuèrent.

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Un matin, dès huit heures, les cloches des églises, les sirènes des navires, les sifflets des usines emplissent l’air de bruits disparates et persistants. Des régiments, musique en tête, défilent sous nos fenêtres. Les bateaux, dans le port, ont arboré leurs drapeaux et tendu, des mâts jusqu’aux ponts, les dentelles de fanions joyeux. Les rues ont peine à contenir une foule agitée qui veut acclamer le roi Victor-Emmanuel venu rendre visite aux Génois et rencontrer les membres de la Conférence. Le calme rétabli, ceux-ci sont transportés, par groupes tassés dans des vedettes, vers le navire royal qui est en rade.

Il fait froid et le vent est maussade. Les délégués ont revêtu la jaquette — la redingote serait plus protocolaire : mais, apparemment, la plupart n’en ont pas — et ils ont coiffé le haut de forme. Étrange tenue pour une course en mer, si courte soit-elle : et dans quel état les vestiaires improvisés nous remettront-ils nos couvre-chefs soyeux ! Cela n’a pas d’importance : les délégués, sauf M. Luzzatti — à cause de son grand âge — se tiennent tête nue devant Sa Majesté.

Le Roi est petit. Il a l’air triste, ou grave. Ses traits sont émaciés et son regard, pâle. Un à un les délégués lui sont présentés. Il tend la main à Tchitcherine et engage avec lui une conversation assez longue que nous observons avec curiosité comme si elle avait lieu entre deux mondes.

Mon tour arrive. Je lui dis mon pays d’origine et lui parle de ses sujets venus tenter fortune au