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MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE

sono due ? Je remerciai Sedici de son intention et je m’évertuai à lui faire comprendre les complexités de notre vie canadienne : nous étions français sans l’être, tout en l’étant. Ainsi de Fiume en ce qui touche l’Italie… Il m’écouta, un peu rêveur, et décrocha le drapeau français.

***

Convoquer le monde en vue de rétablir l’économie de l’Europe était une entreprise périlleuse. Les journaux de l’époque évoquaient même la tour de Babel. Tant de querelles n’étaient pas éteintes ! Tant d’intérêts se heurtaient ! Et l’Amérique se récusait.

L’ouverture de la Conférence eut lieu au Palazzo San Giorgio le 10 avril 1922, à deux heures trente, sous la présidence de Luigi Facta.

J’observe avec curiosité le brouhaha qui précède cette grande première internationale, la plus considérable depuis la guerre. Il y a foule : toutes les délégations, les experts, les invités. Les Russes, venus en nombre, retiennent les regards. On s’apprête à un flot d’éloquence, tout en repérant les figures les plus connues, les chefs d’attaque de cet orchestre de la paix qui prend place et va préluder.

Tour à tour l’Italie, l’Angleterre, la France, la Belgique, l’Allemagne, la Russie, puis le Japon, font entendre leur voix. Pendant que parle le représentant nippon, une dame s’extasie : « Comme c’est doux, le japonais ! » Or le délégué du Soleil levant s’évertue à parler français.

Les fers se croisent, en sourdine. M. Facta est pacifique et accueillant, comme il sied. Lloyd George, assez petit sous ses cheveux blancs, l’œil vif derrière des paupières bridées, égaie de pointes