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SOUVENIRS

la langue française ». Je n’en crois rien. Tout dans l’enseignement est prétexte à formation. Le phénomène n’est jamais isolé : il est lourd de certitude ou d’hypothèse, il éveille toujours l’idée qui l’a déterminé et rattache ainsi l’universel raisonnement. Il y a des directives dans tout : il suffit de les faire jaillir par la comparaison. Ainsi l’enseignement classique atteint son efficacité et devient pratique.

Voilà la véritable préparation à la vie. Je ne songe ici qu’à l’élite qui sortira de nos universités, à l’élite que les langues, saxonne et latine, désignent par un mot qui veut dire triage, élection. Je sais les intéressants efforts que l’on a tentés pour enseigner le civisme au high school. J’applaudis aussi au projet d’utiliser, dès le collège, l’histoire et la géographie à des fins sociales : et à celui d’organiser dans les classes de philosophie un cours d’économie politique : mais je me préoccupe, avant tout, d’atteindre les meilleures assises de la citoyenneté. sans quoi s’effondreraient bientôt les échafaudages les plus savants. Les lettres révèlent le recueillement de l’humanité et les sciences manifestent l’épanouissement de ses forces productrices. Confondues dans une philosophie doctrinale, ces deux puissances sont déjà de l’action. L’homme cultivé trouvera en lui-même la raison de s’y soumettre et de se sacrifier. C’est le civisme.

Cette formation, qui tend à faire des responsables, paraît frivole ou inutile si l’on ne prend garde qu’à ses moyens. À quoi bon lire une page de poète ou savoir l’histoire d’une défaite ? Et que servira à l’avocat de discerner les éléments d’une cellule ? Mais à la prendre toute, à la juger dans ses fruits, on demeure émerveillé. Le jeune homme qui la possède est mûr pour la spécialisation. Com-