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DÉLÉGUÉ UNIVERSITAIRE

à la gravure. Il ne paraît pas aimer que l’artiste ait placé son buste au bas. C’est tout autre chose, croit-il. L’artiste « a voulu faire de la réclame ».

Nous distribuons des lires aux valets vêtus d’amarante. Je cache mon précieux autographe jusqu’à la rue. Et nous revoilà dans l’éblouissant soleil de Rome.

***

Aux heures libres, je parcours Rome à pied, n’utilisant le tramway que pour de longs trajets, ou pour me rendre à un point d’où je rayonne. Ce mode de transport offre une sorte de familiarité anonyme et un poste d’observation où se compriment puis se diluent des fragments d’âme collective. Je m’installe aussi à l’intérieur ou à la terrasse d’un café pour saisir quelques traits de mœurs ou soupçonner des habitudes. Dans les rues, je mêle ma flânerie au flot lent de la foule. Ne suis-je pas, ne fût-ce que quelques jours, citoyen de la ville qui m’accueille sans le savoir ? Je participe à sa vie comme si je l’avais fait de tout temps. Une allure étrangère, la forme de mon vêtement ou quelque détail insoupçonné trahissent évidemment le naïf incognito.

Le mouvement me captive : le peuple romain me donne d’abord une impression d’insouciance ensoleillée qui n’est qu’apparence car il s’enflamme et s’agite. Les mystères de cette rue, les rires qui fusent, les mots vifs et nombreux et les gestes répétés — seuls signes que je saisisse — révèlent une activité constructive, la poursuite d’imposantes réalisations au delà d’un passé respecté.

L’homme est bien bâti, vigoureux, généralement beau. Les enfants sont délicieux de finesse et de vivacité. Un Anglais, débarquant à Calais