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DÉLÉGUÉ UNIVERSITAIRE

Le cardinal Merry del Val habite un palais derrière la sacristie de Saint-Pierre. Nous traversons les antichambres et la Chambre du Trône où, depuis 1870, le fauteuil réservé au Souverain Pontife est tourné vers le mur.

Le Cardinal nous reçoit dans son bureau. Grand, élégant, d’une tenue surveillée mais sans recherche, on subit tout de suite l’inépuisable charme de sa race. Il parle un français très pur, et son regard est infiniment doux. Onze ans, il fut Secrétaire d’État ; il garde près de lui la soutane blanche que portait Pie X la veille de sa mort et, le quatre de chaque mois, il dit la messe sur le tombeau du grand pontife. Aujourd’hui, il vit retiré, dans l’ombre du Saint-Office. Que n’est-il Italien !

Je parle naturellement de Rome, de l’enchantement que je ressens à m’y trouver, pour trop peu de temps, hélas ! Qu’emporterai-je des hommes et des choses ? Un visage brisé, des reflets splendides, une mise en place qui amorce un éblouissant souvenir et le désir d’un retour.

Le Cardinal déplore les heures troublées d’après-guerre où se débat une jeunesse angoissée. Le peuple retient son affection. Il le croit bon et sain ; mais encore faut-il que l’on s’occupe de lui. Cette parole me frappe. Elle est vieille comme l’Église et fait écho à ses attitudes de paix, à ses soucis de justice, dont l’expression n’a pas connu la lassitude des siècles.

Il écoute avec intérêt nos propos sur l’Université et ne semble pas manifester d’inquiétude sur le sort de nos sollicitations. D’autant que nous le rassurons sur les sentiments de l’Université Laval de Québec, qu’il évoque avec un bon sourire.

Je détourne vers le sentiment une conversation