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PRÉSENCES

être tu ne connaîtras jamais. Regarde plutôt le fleuve où tu le trouves. Il est intéressant partout, et jeune, ne trouves-tu pas ? Au fait, tout est neuf dans ce pays, choses et gens. Mais pourquoi dit-on de notre fleuve qu’il est jeune ? Est-ce parce qu’il bondit sur un lit incommode et dur, à fleur de roc ? Pas à ses débuts, pour sûr. Il connaît des profondeurs imposantes et de longs repos que lui ménagent les barrages du plateau laurentien. Il traverse des paysages variés que tu peux suivre. Tu ne verras peut-être jamais les Mille-Iles, mais si tu vas à Toronto, tu en trouveras un diminutif à un arrêt du train. Tu auras le temps de t’en faire une idée. Des îles rondes recouvertes de conifères constellent le fleuve. L’automne, les quelques érables qu’elles nourrissent leur donnent tous les tons de l’or. Si le soir descend au moment où tu es là, tu sentiras la présence d’une paix infinie.

Peut-être es-tu prisonnier de ta ville, proche du fleuve ? Profites-en. Observe-le. Les abords peuvent en paraître maussades. Une ville a vite fait de les noircir, de les dénaturer par des travaux hâtifs ou l’installation d instruments de travail et de manutention.

Les quais, les entrepôts, les voies de chemin de fer, les grues mécaniques, les navires amarrés ne te disent peut-être rien. Rien d’exaltant, si ce n’est un élan de puissance et d’expansion. Un point de rayonnement. Une laideur nécessaire, que l’on corrigera le jour où nous le voudrons : les quais d’Anvers sont une merveille et ceux de Paris un enchantement. On y a mis le temps et le souci de la beauté.

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