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SOUVENIRS

droite, au Cap Rosiers, pour l’encerclement du golfe aux lignes fuyantes, jusqu’à l’étranglement des détroits, portes de 1 Océan où la vague nous prend dans son mouvement infini. Au delà, l’Europe.

Le retour est aussi beau. Les deux rives immobiles semblent dans l’attente. Elles se resserrent lentement. Le bleu lointain, fondu, se précise peu à peu. Les Laurentides bornent l’horizon, à l’Ouest. Elles s’incrustent dans le ciel où le soleil a disparu. Elles gardent la lumière du jour sur leurs sommets puissants. On ne peut rien vivre de plus grandiose que cette immense fin de jour. Je ne me lasse jamais du jeu de la lumière et de l’ombre sur cette rampe royale qui s’éteint. Des tons inimaginables de vert, de jaune, de mauve, se jouent dans le jour vaincu et bientôt mourant. Quelque chose de morbide et de fatal se mêle au calme de la nuit qui naît, qui grandit, qui envahit les choses et les absorbe.

Les îles marquent de sombre les eaux plus pâles. On a des illusions folles : des oasis dans un impassible désert, un désert d’eau. La vague se colore sous le soleil ou dans l’ombre d’un jour sans feux. Elle prend, au moment des orages, des reflets gris ou violacés qui effraient comme une force déchaînée. Sous le soleil, elle triomphe comme une symphonie.

Au rocher de Québec, le décor change. Une autre route s’offre dont les pilotes expliquent les différences, sensibles à la navigation. Elle va jusqu’à la source que tu chercheras peut-être un jour. La naissance de cette puissance, sa première minute, son impulsion initiale, c’est une chose dont on a la curiosité, sinon la hantise. Mais ne t’inquiète pas de cela, et réserve ce hasard que peut-