Page:Montpetit - Souvenirs tome III, 1955.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
SOUVENIRS

aucun esprit de système, mais le pur élan de la fantaisie. Fais comme moi.

Où que tu ailles, à défaut du fleuve, tu rencontreras une rivière ou un lac. Poursuis le fil de ces eaux et prête-toi à leurs jeux. De la rive, si tu n’as pas d’embarcation.

Il y a des eaux paisibles et étroites qui sont charmantes. Elles sont calmes et vertes. Laisse-toi glisser parmi les nénuphars ou parmi les sagittaires. Garde tes mains dans l’eau, au contact des feuilles souples. Il y a des rivières paresseuses. Elles sont basses, souvent parsemées de pierres grises, dont la base disparaît sous des chevelures aux mouvements étranges.

D’autres sont vigoureuses. On les sent profondes. Leur fil est rapide, moiré de remous. Tu distingueras vite la rivière jeune. Elle bondit sur un lit qu’elle n’a pas creusé, que les bouleversements du sol lui ont imposé. Elle chante de tous ses flots. Il en est qui s’arrêtent dans leur course pour former ces fosses où le poisson s’attarde à durcir sa chair. Toutes les rivières qui descendent du Nord ont un mouvement fou. Si jamais tu en as la chance, remonte jusqu’à leur source, et tu comprendras leurs élans.

La chose est possible. Je suis allé jusqu’au pied du glacier qui est le point de départ de plusieurs d’elles. J’ai suivi leurs pentes raides. Elles couraient, chargées de sol sur le roc impassible. Elles allaient, non pas joyeuses mais préoccupées de leur course, à la rencontre d’une autre dont elles se fortifiaient, et puis, d’une autre encore. Jusqu’à ce que, toutes réunies, ces rivières folles s’assagissent en un fleuve profond, large et calme.

Si ce spectacle t’intéresse, il est à ta portée. Engage-toi vers le lac Saint-Jean, en suivant le